Six mois de transition en Guinée : le calendrier de la discorde est-il réaliste ?

Une mission de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) était ce vendredi à Conakry. Conduite par les Présidents ghanéen et ivoirien, la délégation était venue traduire aux responsables du Comité national pour le rassemblement et le développement (CNRD) les mesures prises par l’organisation sous-régionale face au coup de force perpétré en Guinée le 05 septembre dernier. En plus du gel des avoirs des membres de la junte, leur interdiction de voyage, les Chefs d’Etat exigent la libération d’Alpha Condé et l’organisation des élections dans un délai de six mois. Mais ce délai est-il tenable ? Est-ce que les problèmes de la Guinée sont uniquement liés aux élections ? Est-ce qu’on peut résoudre ces problèmes en 6 mois et aller aux élections ? Autant de questions que plusieurs Guinéens se posent.
Dans son analyse de cette exigence de la CEDEAO, Mamadou Mouctar Baldé, professeur d’Economie indique: « je pense que la CEDEAO est dans la logique de préserver la continuité démocratique dans ses États membres, mais aussi permettre un retour rapide du pouvoir civil en Guinée. C’est pourquoi, elle ne peut pas se permettre d’accorder un délai à long terme à la junte, parce que cela pourrait entraîner des problèmes économiques, sociaux et politiques dans le pays. Je pense donc que cette décision, si elle s’inscrit notamment dans ce sens, est compréhensive. »
D’autres acteurs comme le vice- président de l’Association des jeunes intellectuels et sportifs pour développement de l’éducation et la culture, se montrent dubitatifs face à la position de la CEDEAO dans la gestion des dossiers politiques de ses pays membres. « Aujourd’hui, la CEDEAO est un instrument régional qui a perdu toute crédibilité aux yeux de sa communauté. Cela, à cause de son incohérence dans le traitement des problèmes qui se posent dans la sous-région. Pour preuve, elle est prompte à sanctionner tous les pays membres qui connaissent des coups d’Etat et exiger un retour à l’ordre constitutionnel. Mais jamais elle ne lève le ton pour sanctionner ces pouvoirs qui violent la Constitution, qui font plus de deux mandats et se montrent aveugles devant les problèmes liés à la difficile alternance au pouvoir. Et pourtant, si elle doit sanctionner et suspendre les pays en coup d’Etat, elle devrait aussi en faire davantage avec les projets de troisième mandat. Ce qui fait que la CEDEAO ne bénéficie d’aucune confiance de la part des citoyens », rappelle Kerfalla Touré qui ajoute :  » à notre époque, nul ne voudrait d’un pouvoir militaire. Mais, tant que les appareils nationaux et régionaux, qui sont censés veiller et travailler pour le bien-être des populations, lutter contre l’injustice et l’inégalité, sont inefficaces, il y aura toujours des coups d’État. Donc la CEDEAO n’a aucune leçon ni d’exigence à donner à la Guinée. D’ailleurs, c’est sur quoi elle s’est fondée pour exiger la tenue des élections couplées dans 6 mois? Une institution responsable chercherait plutôt à connaître le fondement des problèmes qui conduisent au coup d’Etat mais aussi les besoins exprimés par le peuple afin d’aider à apporter des solutions durables et satisfaisantes. C’est pourquoi, j’invite les Guinéens à ne pas aller trop vite en besogne comme en 2009. Il faut fixer la date de cette transition selon l’étendue des besoins et des entraves de développement », précise- t-il.

Cardinal Robert Sarah interpelle la junte

Dans une correspondance rendue publique ce vendredi, le Cardinal Robert Sarah a encouragé la junte à faire preuve de bonne foi et à œuvrer à doter la Guinée d’institutions fortes. « Résistez avec fermeté, sagesse et intelligence aux pressions de ceux dont la seule préoccupation est de voir des processus politiques mis en œuvre le plus rapidement possible pour leurs intérêts inavoués, et au détriment des populations guinéennes. Avant d’envisager des élections présidentielles, posez d’abord les fondations d’une économie solide, d’une société unie, solidaire et capable de développement par le travail », note le cardinal Robert Sarah dans sa lettre ouverte au président du CNRD.

Gassime Fofana

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