Le mardi 10 avril 2018, la justice de paix de Dabola a connu une scène moins inédite dont l’exploit dépasse l’extrême talent des acteurs d’Hollywood. Deux présumés braconniers poursuivis pour abattage de panthère ont été extirpés de force des mains des gardes pénitentiaires par un groupe de donzos (chasseurs traditionnels), tous armés jusqu’aux dents. Ces individus incontrôlés et mal intentionnés ont fait irruption dans la salle d’audience au moment où le juge venait de renvoyer l’affaire à une date ultérieure pour la suite des débats.
Joint au téléphone, un responsable de l’environnement ayant requis l’anonymat est revenu sur les circonstances de l’incident: « ce matin on avait au rôle un dossier sur l’abattage d’une panthère à Konindou, une sous préfecture de Dabola en Haute Guinée dont les présumés auteurs étaient un certain Fodé Kallo qui est même le présumé auteur d’abattage de l’animal, Sadigou Fofana qui est le président de la confrérie des chasseurs à qui d’ailleurs le chasseur a demandé d’aller prendre l’animal en brousse. C’est lui qui a transporté l’animal de la brousse pour Konindou centre et il est celui qui a aussi autorisé le dépouillement de l’animal sans se référer au service technique. Il y avait aussi le commandant Sékou Dario Camara du corps des conservateurs de la nature qui faisait partie de la mission qui était allée pour prendre des délinquants. Malheureusement, par ignorance des textes, celui-ci est tombé dans le piège. »
Poursuivant son intervention, il précisera que c’est au moment où le juge avait fini de renvoyer l’audience à une date ultérieure qu’un nombre important de chasseurs lourdement armés est venu de force extirper deux des leurs pour les envoyer.
Quant à M. Mamadou Saidou Barry, coordonnateur du projet GALF (Guinée Application de la Loi Faunique), cet incident vient à juste démontrer à quel point les gens n’ont aucune considération pour la justice de paix de Dabola qui a pris au préalable les mesures idoines pour sécuriser un tel procès suivi largement par la communauté internationale avec une mobilisation des agents de sécurité. Pour lui, la Guinée a ratifié des conventions internationales en matière de préservation des ressources fauniques et floristiques. Donc, dire qu’un groupe de donzos est parvenu à extirper deux braconniers du box des prévenus c’est bel et bien une fuite en avance qui pourrait avoir des incidents majeurs sur le cours normal de la procédure.
Selon certaines indiscrétions, le groupe de chasseurs ayant posé cet acte indélicat et irresponsable dont certains seraient venus de Kouroussa en renfort n’est pas du tout connu par le Ministère de l’Environnement et des Eaux et Forêts. Ainsi, précisent les mêmes sources, ce groupe posséderait un agrément signé de l’actuel ministre de la décentralisation.
Or, apprend-t-on, un groupe de chasseurs reconnus au niveau national et ayant un agrément signé de l’ex ministre Alhassane Condé serait en partenariat étroit avec le Ministère de l’Environnement et des Eaux et Forêts. Nos sources précisent que ce groupe n’est pas du tout mêlé à un tel acte qui sape en tout lieu de cause les efforts consentis dans la préservation de l’environnement comme moteur de développement durable. Il reste à savoir pourquoi l’actuel ministre de la décentralisation se livrerait à de telles pratiques en signant un agrément d’un groupe de chasseurs reconnus être des prédateurs de l’environnement sans au préalable chercher à se renseigner auprès du service technique du département de tutelle ? D’autant plus que la Guinée est toujours sanctionnée par la Convention de Washington, présentée comme une plaque tournante de la criminalité faunique. De tels agissements continuent davantage à altérer l’image du pays au niveau international.
A rappeler que le commerce illégal d’espèces sauvages est un crime organisé transnational. Il occupe le 4 ème rang du commerce illicite dans le monde, amassant des bénéfices d’environ 20 milliards de dollars chaque année.
Affaire à suivre
Fatou Kourouma