»Sans laboratoire, pas de traitement efficace » (Ousmane Sow )

Considérée comme l’essence voire le centre de gravité des interventions sanitaires, la biologie médicale demeure essentielle dans tout système de santé qui se veut dynamique et performant. En Guinée, le constat révèle que ce domaine n’est pas assez développé et bute même encore contre certaines contingences. Dans cette interview, Ousmane Sow, étudiant en Master Biologie moléculaire et génétique en Turquie, décrit l’importance de la biologie médicale dans ses dimensions sanitaires, revient sur les risques que courent les patients dans le cadre de leur traitement sans la biologie médicale ainsi que sur les défis dans ce secteur de connaissances.  

www.ledeclic.info : qu’est-ce qu’on peut retenir de la Biologie médicale et de sa place dans l’émergence du système sanitaire d’un pays ?

Ousmane Sow : la biologie médicale consiste à prélever un échantillon biologique par une équipe autorisée et compétente, dans un local ou endroit adéquat et cohérent avec l’examen qu’on réalise, ainsi que des matériels appropriés. Toutes ces opérations doivent être finalisées par de grands biologistes pour interpréter les résultats, faire ressortir des erreurs qui pourraient apparaître au cours de l’examen, c’est-à-dire avant, pendant et après. Je voudrais préciser que la biologie médicale est un peu comme la médecine de la biologie.  Les laboratoires de biologie médicale sont au centre de toutes les activités, tous les services des hôpitaux.  Imaginez un peu, nous avons un cercle, le point central du cercle, c’est le laboratoire. Les points qui sont entrain de graviter autour de ce cercle, ce sont les autres services dont la cardiologie, la radiologie, l’hématologie, l’urologie, la cancérologie, … Donc, le laboratoire  intervient dans toutes les étapes de la médecine, que ce soit la prévention, le diagnostic, le traitement ou le suivi du traitement.

 En expliquant cela étape par étape, est-ce  qu’un médecin généraliste, par exemple, peut tout de suite conclure à une pathologie ?  

Quand vous partez voir un médecin, un urologue par exemple, il va vous examiner, et après cette opération, il va vous demander de faire des analyses. Donc normalement, un médecin ne pourrait pas voir quelque chose. Il n’a pas la possibilité de voir. Il peut soupçonner une pathologie. Il ne peut la confirmer que grâce à l’aide des laboratoires de biologie.

Vous avez parlé tout à l’heure de la place de la biologie médicale dans la prévention.  Comment cela s’explique ?

 La prévention est l’acte qui consiste à prévenir une maladie. Cette prévention peut se faire par l’admission d’un vaccin par exemple. Je vais prendre l’exemple sur une pathologie présente en Guinée comme l’hépatite B. Le virus de l’hépatite B est un virus qui progresse très vite actuellement  parce que les gens n’ont pas suffisamment d’ informations sur ce virus. Aussi, il n’y a pas beaucoup de sensibilisations sur la pathologie. Mais heureusement, il existe un vaccin qui permet de protéger les gens. Maintenant,  lorsque vous partez prendre un vaccin contre l’hépatite B, ils vont vous administrer un virus atténué, c’est-à-dire la partie virulente a été enlevée mais qui garde le même comportement qu’un virus pathogène, le virus qui est capable de créer la maladie.  Mais il y a une petite modification des antigènes, qui sont responsables de la pathogénicité de cette maladie. Alors, après l’administration de ce virus, qu’est-ce qui va se passer ? Votre système immunitaire qui est le mécanisme de défense de votre organisme, va commencer à lutter contre cet agent pathogène.  Et ce système humanitaire est composé de l’ensemble des molécules, des protéines et aussi des cellules. Dès qu’un agent pathogène pénètre dans l’organisme, le système a pour but de faire la différence entre le choix, c’est-à-dire les cellules de notre organisme et les agents extérieurs (non choix) et éliminer le non choix (les agents pathogènes). Donc le vaccin qu’on vous a injecté, le virus qui est à l’intérieur est considéré comme le non choix.  L’organisme va commencer à réagir avec ce non choix. A la suite de cette réaction, votre organisme va commencer à produire des anticorps, anti HBS. Ce sont des anticorps qui protègent la personne contre le virus pathogène.  Donc suite à l’injection du virus non pathogène, c’est-à-dire le vaccin, vous avez fabriqué des anticorps, anti HBS, qui vont vous permettre de vous protéger contre le virus pathogène.
Ensuite, la biologie médicale vous dit, lorsque vous prenez un vaccin, il faut également être sûr que vous êtes protégé contre l’agent pathogène. Pour cela, il vous faut repartir pour faire le dosage des anticorps, c’est-à-dire anticorps HBS. Seul le laboratoire peut vous dire :  oui vous avez des anticorps, vous êtes protégé, ou vous avez besoin de dose de rappel, ou vous avez besoin de prendre le vaccin a nouveau parce que vous n’êtes pas protégé.

Qu’en est-il spécifiquement de la Guinée ?

Malheureusement, chez nous en Guinée et principalement à l’intérieur du pays, la plupart des diagnostics sont posés à partir des symptômes. Et c’est vraiment dommage.  dans beaucoup de localités, la médecine guinéenne se limite à la clinique, puis le médecin prescrit une ordonnance de plusieurs médicaments sans avoir recours à la biologie médicale, donc au laboratoire.

Quelles sont les conséquences de telles pratiques médicales ?

Comme je l’ai déjà dit, en Guinée, On ne fait pas toujours référence aux laboratoires.  C’est pourquoi vous allez voir une seule personne, on lui prescrit un antibiotique, un anti antalgique, un anti inflammatoire, des antifongiques, des crèmes, des vitamines.  Tu peux voir une personne avec un sachet de produits. Tout ça, c’est pour augmenter la probabilité, la chance. Parce qu’ils vont supposer que si ce n’est pas une bactérie, ça peut être un virus ou si ce n’est pas un virus, ça peut être une inflammation. Bref, ils vont prescrire beaucoup de produits. Tout ça, parce qu’il n’y a pas un bon diagnostic. Ils se basent juste sur la clinique. Ce qui est très très dangereux.  Ils oublient que tous les produits qui sont en train d’être prescrits, sont des produits très toxiques, nocifs pour la personne.

Donc je reviens toujours dans le cadre du diagnostic. Après avoir discuté avec le patient, cet examen et l’observation physique permettent d’orienter le patient vers le laboratoire. Le médecin peut dire, par exemple, vos symptômes sont en relation avec telle ou telle pathologie. Donc il faut essayer de voir à partir du laboratoire pour déterminer ce que vous avez parmi toutes ces pathologies.

Quelle est la provenance d’ailleurs des symptômes que les patients développent ?

Je précise avec beaucoup d’intérêt que les symptômes que nous avons, la plupart d’entre eux proviennent des réactions entre le système immunitaire et l’agent pathogène. La fièvre, naturellement, traditionnellement d’ailleurs, est toujours présente dans la plupart des pathologies. Pourquoi ? Parce que dès qu’un agent pathogène pénètre dans notre corps, automatiquement,  notre organisme commence à réagir avec cet agent pathogène,  voire tenter de l’éliminer. Comment réagit donc notre système immunitaire pour éliminer un agent pathogène dans l’organisme ?  Il utilise plusieurs stratégies. C’est comme un peu le ministre de la défense. Il y a une série d’armées comme celle de terre, de mer ou la marine. Cette organisation militaire, c’est de cette même manière que notre système immunitaire aussi est organisé. Pour cette réaction, il produit des substances appelées des substances pyogènes, qui sont des substances en feu. C’est cette réaction entre l’antigène et l’anticorps qui provoquent la chaleur. Et c’est ce qui donne de la fièvre.

Quels sont donc les défis qui se posent aujourd’hui au secteur du laboratoire dans le cadre du traitement des maladies ?

Actuellement, nous faisons face à une situation très difficile : c’est la résistance des bactéries face aux antibiotiques, l’anti-bio-résistance. Par exemple, vous avez envoyé votre patient à l’hôpital, au laboratoire. Il a réalisé des examens. Et à la suite de ces examens, on a constaté qu’il a développé une pathologie avec une bactérie. Mais cette bactérie, elle peut être résistante aux antibiotiques classiques. Donc pour être efficace dans votre traitement, vous allez demander un antibiogramme, qui est un examen qui permet de prendre ces bactéries et les mettre en culture. Après la culture, on va placer des antibiotiques dans les boîtes pour voir est-ce que tel antibiotique est efficace sur telle bactérie. Et plus l’antibiotique est efficace, plus les bactéries vont mourir autour de l’antibiotique. Donc l’antibiotique qui a beaucoup plus de spectre est choisi comme l’antibiotique adéquat. C’est pour vous dire que sans biologie médicale, s. C’est la même chose que pour les virus. Mais malheureusement, on n’a pas ça en Guinée.  Et pourtant, c’est très important dans le cadre de la lutte contre les virus. C’est la même chose pour les champignons et même pour les parasites. Au niveau du traitement, c’est très capital d’avoir recours au laboratoire. Pour preuve, dans le cadre des maladies chroniques, le médecin veut prescrire un produit, mais il appelle d’abord. Pourquoi ? Parce que la plupart des médicaments sont très toxiques pour le foie, pour les reins et d’autres organes qui participent dans l’élimination de ces médicaments. Le médecin demande donc l’avis du laboratoire pour faire une exploration générale sur l’ensemble des organes chargés d’éliminer le médicament. Il va demander l’examen sur le foie et autres organes humains. Parce que si le foie par exemple est endommagé, c’est-à-dire le foie n’est pas en bon état, s’il prescrit un médicament que le foie doit éliminer, conséquence, il va fatiguer le foie, et finalement le foie va s’épuiser. Et nous savons que le rein, le foie, le cœur sont des organes indispensables et vitaux à l’homme. Donc il faut demander d’abord des examens d’exploration des organes avant de faire les prescriptions. Dans le cadre de la prescription aussi en cancérologie, c’est important.  En cancérologie on a plusieurs méthodes pour traiter la maladie comme la chimiothérapie, la radiothérapie, … Lorsque vous êtes face à une personne qui est déjà immunodéprimée, pour savoir si elle l’est ou pas, on fait recours au laboratoire de biologie médicale.

Par ailleurs, je voudrais parler aussi d’un service très important, le centre de transfusion sanguine. Bien que le ministère ait fait beaucoup d’efforts pour améliorer, ces unités doivent être revues pour qu’elles fournissent encore de très bonnes prestations. Jusqu’à présent, en Guinée, nous utilisons les petites bandelettes sérologiques pour les donneurs. Sur une poche de sang, nous recherchons syphilis, hépatite B, hépatite C et le VIH. C’est tout ce qu’on recherche. Et on se base sur quels examens ? Sur des examens sérologiques. Donc si le virus est en incubation ou si le virus est en phase d’attente, qu’est-ce qui va se passer ?  A partir de ces réactions sérologiques, vous allez dire que le donneur est négatif. Et après la transfusion, le receveur va commencer à développer la pathologie.  C’est pourquoi il faut élargir la prestation, élargir les maladies qu’il faut rechercher et faire recours à l’ADN de virus pour ne pas contaminer le receveur. Car l’objectif de la transfusion, c’est l’amélioration de l’état de santé et non la propagation des maladies.

Propos recueillis par Gassime Fofana

 

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