POLITIQUE GUINEENNE : ALPHA – CELLOU, UN PROFESSEUR ET SON ELEVE

Ah qu’il est difficile de de consolider la démocratie en Guinée  !  Depuis l’arrivée au pouvoir de Monsieur Alpha CONDE en 2010, on assiste à un jeu de chaises musicales entre lui et son bien nommé « chef de file de l’opposition ». (Par Hamidou BAH, Chargé de la commande publique, Consultant international, Spécialiste en Géopolitique)

 

En effet, la « REMONTADA » électorale du candidat du RPG au second tour de la présidentielle a laissé un goût amer au camp d’en face, l’UFDG, malgré le soutien de la troisième force politique d’alors, l’UFR. Ce qui est sûr, c’est que le locataire du palais SEKHOUTOUREYAH, a rapidement compris que sa mandature ne sera pas un long fleuve tranquille. La faute à un manque de légitimité diront certains mais aussi et surtout à une opposition coriace qui a décidé de lui rendre les deux quinquennats très difficiles.

MANIFESTATIONS CONTRE ACCORDS

Si beaucoup de Guinéens blâment l’opposition et ses manifestations quasi mensuelles, celle–ci argue que le pouvoir en place ne veut pas organiser les différentes élections comme il est stipulé dans la Constitution, et si élection il y a, elle accuse le pouvoir de fraudes et conteste systématiquement les résultats. Elle reproche en outre au pouvoir le non-respect des engagements pris par ce dernier.
Tout a commencé à la veille des législatives de 2013. Déjà à l’époque, l’opposition pestait contre le manque de volonté du pouvoir d’organiser ces élections, et donc après moult négociations et manifestations, le mercredi 3 juillet 2013, un accord a été conclu pour aller à des élections libres et transparentes avant la fin de l’année. Ces opérations de vote qui devaient se tenir six mois après l’investiture d’Alpha Condé, qui a eu lieu en décembre 2010, ont sans cesse été repoussées faute de consensus entre le pouvoir et l’opposition. Alpha 1 – Cellou 1.
Le président qui, contrairement à son principal opposant, est un homme qui a maîtrisé toutes les ruses de la politique, finit par calmer ce dernier en promulguant: «  la Loi 036 du mardi 23 décembre 2014 portant Statut de l’opposition politique en République de Guinée, substituant la Loi relative au Statut des partis politiques de l’opposition qui consacre le Statut de Chef de file de l’opposition ». Huit (8) mois plus tard, faisant fi de la constitution, l’opposition et le pouvoir se rencontrent pour un dialogue politique inter-guinéen qui aboutira à la conclusion de l’accord politique du 20 août 2015. Cet accord dénoncé par une partie de la société civile, certains juristes et le parti politique Bloc Libéral, met en place notamment les délégations spéciales et pose les jalons de la future répartition des conseillers communaux après les élections communales et locales. Il est à la base de beaucoup de soubresauts politiques que vit la Guinée actuellement.
Pour faire taire et calmer l’opposition, le pouvoir laisse la constitution de côté pour conclure un accord désastreux qui, à y regarder de près, ne profite qu’au RPG et à l’UFDG. Résultat : Alpha 2 – Cellou 1.
Vient ensuite la présidentielle de 2015 avec le fameux « coup K.O. » qui, contrairement à d’autres présidentielles, s’est relativement bien passée en terme de violences et de perte en vie humaines.

Force est de constater que la partie était déjà jouée d’avance pour le pouvoir. Au lendemain de la prestation de serment du président nouvellement réélu, le mardi 16 août, dans les rues de Conakry, au moins 700 000 personnes selon les organisateurs (moins de 500 000 selon les forces de l’ordre), ont défilé à l’appel de l’opposition pour exiger plus de démocratie, de justice, de sécurité et de liberté face au régime d’Alpha Condé. Ce dernier appelle une nouvelle fois au dialogue. Ce qui va se solder par la conclusion d’un nouvel accord presqu’identique à  celui cité plus  haut. Le Dialogue Politique Inter-Guinéen conduira de nouveau à la conclusion de l’accord du 12 Octobre 2016. A noter que l’un des points forts de cet accord, en l’occurrence la mise en place de la Haute Cour de Justice est resté lettre morte. Alpha 4 – Cellou 1.
L’année 2017 ne déroge pas non plus à la règle. Après plusieurs manifestations de l’opposition pour exiger la tenue des municipales, le pourvoir finit par fixer la date de celles-ci au 04 février 2018. L’opposition qui réclamait un changement de l’opérateur en charge du fichier électoral mais aussi la mise à jour de celui-ci, se résigne à aller aux élections avec le même fichier décrié. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on s’attendait à une contestation des résultats. Ce qui n’a d’ailleurs pas tardé. La CENI qui est vue comme inféodée au pouvoir (ce qui n’est pas totalement faux) mettra des jours pour publier les résultats. Résultats contestés le même jour par tous les partis de l’opposition et chose rarissime et drôle, par le parti au pouvoir aussi. Alpha 4 – Cellou 2.

PELERINAGE AU PALAIS CONTRE ARRET DES MANIFESTATIONS

Nombreux sont ceux qui contestent le professorat en droit du Président CONDE, mais à la lumière dont il joue la politique, on peut affirmer sans risque de se tromper que dans ce domaine précis, il a même un agrégat. On ne dit pas qu’il a lu et maîtrisé les livres qui parlent de l’exercice du pouvoir mais ceux qui parlent de la conquête du pouvoir et du jeu politique, il les maitrise à merveille. On aurait préféré qu’il sache davantage exercer le pouvoir en punissant les auteurs des crimes économiques, en assurant la sécurité des citoyens, en élevant le niveau de vie du Guinéen, en créant plus d’emplois… mais ça, c’est une autre histoire.
Par contre, rouler dans la farine ses opposants, les soudoyer, faire des promesses à grandes pompes dans presque toutes les parties du territoire où il a mis le pied, sont des points forts qu’on ne peut pas lui enlever. Ainsi, on constate avec une certaine ironie que le président sait bien manier ses opposants. Toutes les fois qu’il a été coincé par les manifestations et autres troubles sociaux, il dégaine son arme atomique qui est l’invitation du représentant du mouvement en question au palais Sékhoutoureyah. Du plus radical au plus malléable, ils ont tous fini par poser leurs valises au palais et écouter encore et encore les sermons du premier magistrat guinéen.
L’une des premières visites de Cellou au palais a eu lieu en 2015 à la veille de la présidentielle. Initialement prévu le 8 mai, le tête-à-tête entre le président Alpha Condé et son principal opposant a finalement eu lieu mercredi 20 mai à Conakry. Déjà à cette époque, ce dernier a exprimé sa déception à l’issue de l’entretien qui a duré presque une heure. Alpha 5 – Cellou 2.
Bis repetita en 2016. Le président et le chef de file de l’opposition se sont rencontrés jeudi 1 août 2016 en milieu d’après-midi au palais présidentiel. Alors qu’ils ne s’étaient pas vus depuis mai 2015, Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo ont échangé sur plusieurs points ayant trait à la vie du pays.
La rencontre a duré une heure et quarante-cinq minutes. Elle leur a permis d’échanger sur la situation politique, économique et sociale du pays.
Des convergences de vue sur plusieurs dossiers, mais aussi des divergences que les deux protagonistes ont essayé d’aplanir par la discussion.
Avant de se quitter, ils se sont mis d’accord sur l’essentiel. « La première : le président de la République va s’engager et engager toutes les institutions de la République à appliquer scrupuleusement les décisions du dialogue politique qui ont eu lieu, et celles qui auront lieu », détaille Cellou Dalein Diallo. Et d’ajouter : « deuxièmement, par rapport à la situation économique, nous avons noté les conditions difficiles de vie des citoyens. Il m’a fait part des mesures qu’il envisage, notamment la réduction de la TVA sur les denrées de première nécessité et l’engagement des projets d’infrastructure pour booster un peu la croissance… »
« Il a été ministre et Premier ministre, donc il a géré. Il a une certaine expérience de la vie économique de ce pays, c’est toujours intéressant qu’on échange. Je pense que chacun de nous a été éclairé », déclare Alpha Condé.
« Désormais, je pense qu’il sera difficile, s’il y a une manipulation à mon niveau ou à son niveau, si nous-mêmes nous sommes en contact, ceux qui jouent en eau trouble ne pourront plus jouer s’il n’y a plus d’eau trouble. Quand l’eau est claire, personne ne peut jouer », conclut le président.
Ici la différence est que la manifestation a eu lieu après la rencontre. Score : Alpha 5 – Cellou 3.
Dans la suite de ces rencontres, on notera le basculement de l’une des figures de l’opposition, en la personne de M. Sidya TOURE vers le camp présidentiel. Dans son premier décret de l’année publié le samedi 02 janvier 2016, le président Alpha Condé a nommé le président de l’UFR, Sidya Touré au poste de haut représentant du chef de l’Etat. Un poste jusque-là inexistant… Cette nomination faisait suite à une rencontre entre les deux hommes au palais présidentiel quelques jours auparavant.
Faya MILIMOUNO du BL qui était pourtant l’un des plus radicaux de l’opposition y est allé de sa rencontre avec le Président, idem pour  d’autres. 
Mais là où le professeur a asséné une fois de plus un coup K.O. à Cellou, c’est sans nul doute cette rencontre du mardi 03 avril 2018. Après avoir mis en place un chronogramme pour une série de manifestations à Conakry et à l’intérieur du pays, notamment dans la région minière de Boké (vache à lait des finances de l’Etat), Alpha sentant le coup économique et social que cela pourrait engendrer sort son missile intercontinental pour inviter Cellou à Sékhoutoureyah. Il avait sans doute en tête aussi le fait que les plaies des récentes tueries lors des dernières manifestations ne sont pas encore pansées.
Le plus surprenant pour tous les suiveurs de la politique guinéenne est le timing inhabituel que le KOTO national prend pour annoncer sans se concerter avec ses collègues de l’opposition que les manifs sont suspendues jusqu’à nouvel ordre. Alpha 10 – Cellou 3 car là il s’agit bien d’un quintuplé en un.

CE QUE JE PENSE

Alpha CONDE voit juste dans le jeu politique. En 2011 déjà il avait à juste titre qualifié ses opposants de « NAINS POLITIQUES ». Il n’avait pas tort vu ce qui se passe. Le pouvoir était au fond du trou, avec les tensions provoquées par les 94 victimes lors des manifestations politiques, la grève des syndicats, la menace de l’augmentation des prix des hydrocarbures, les caisses de l’Etat sont maigres, un remaniement ministériel qui tarde à venir… Si on ajoute à ça les éventuelles séries de manifs de l’opposition dont celles de Boké et ailleurs dans le pays, je crois que cela aurait fait vaciller le pouvoir de M. CONDE. Ayant senti le coup venir, le KORO, par l’intermédiaire de son fidèle avocat Me. Boucounta DIALLO et de son conseiller spécial Tibou KAMARA invite Cellou et accepte de s’impliquer personnellement pour décrisper la situation.
Là où le bât blesse, c’est le fait que des situations comme celle-là, on en a vécu et du coup, on prend les mêmes et on recommence. Un auteur a dit que les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Cellou a été roulé N fois par le professeur et il continue à lui faire confiance. Dans la désormais célèbre émission les Grandes Gueules, il déclare : « … est-ce que je crois en la sincérité de cette demande ? Disons ça comme cela, non, j’attends de voir, avec M. Alpha Condé, il faut attendre de voir, tu ne peux pas, ne doit pas le juger sur parole, tu dois le juger sur l’acte. Est-ce qu’il est de bonne foi, lorsqu’il demande au comité de suivi d’examiner nos réclamations, nos recours liés aux élections locales, est-ce qu’il est sincère, est-ce qu’il est de bonne foi, on le verra, parce que rien ne se fera sans sa volonté. C’est cela le problème. C’est pour cela l’autre fois, comme je l’ai rappelé, on a exigé qu’il s’engage solennellement, parce qu’il est quand même chargé en tant que président de la République de veiller au bon fonctionnement de toutes les institutions… »
Le ridicule ne tue pas, heureusement.
Les frères ivoiriens disent : « Premier GAOU n’est pas GAOU, c’est deuxième GAOU qui est GNATA ». Cela veut dire qu’être roulé une fois, ce n’est rien, mais être roulé plusieurs fois, là on est débile. A l’heure actuelle, on doute des motivations de Cellou qui l’ont poussée à aller au palais. Mais cela n’augure rien de bon pour lui et pour l’opposition (politiquement parlant). Il faut constater qu’à chaque fois que le professeur négocie, c’est qu’il a déjà pris de l’avance dans d’autres dossiers ou alors qu’il a une (tromperie) déjà préparée et qu’il ne reste plus qu’à la mettre en application.
Le seul point positif de cette rencontre est vraisemblablement l’arrêt temporaire des manifestations et donc par ricochet, l’arrêt temporaire des tueries.
Il me semble que y a beaucoup de non-dits entre CELLOU et ALPHA et entre le RPG et l’UFDG. Les deux hommes et leurs formations politiques respectives ont pris le pays en otage. Tous les accords passés entre le pouvoir et l’opposition ne profitent qu’à ces deux personnes et à leurs formations politiques. Il y a encore quelques jours de cela, tous les esprits étaient orientés vers les tueries ciblées de la commune de Ratoma mais à peine notre professeur président ouvre une brèche, notre Koto national s’engouffre et on nous parle de comité de suivi.
On tue des innocents à chaque fois, on viole les lois et on laisse la constitution reposer en paix pour conclure des accords qu’on dénonce quelques mois plus tard. La Guinée tourne en rond.
A cause de ces deux formations politiques, l’ethnocentrisme entre peuls et malinkés a atteint son paroxysme, les militants s’entretuent pendant que les classes dirigeantes des deux partis se donnent rendez-vous au palais pour siroter un BISSAP fait maison dans les salles climatisées.
Au final, c’est le bas peuple qui trinque … et comble de l’ironie, c’est l’un des influents ministres du gouvernement CONDE 2 qui vient d’éveiller la conscience de la jeunesse en twittant un constat de l’écrivain Paul Valéry : « La guerre, ce massacre de braves gens qui ne se connaissent pas, au profit de gens qui, eux se connaissent mais ne se massacrent pas ». On remarque aussi que dans les réseaux sociaux ce sont surtout les militants du parti de l’opposition qui ironisent sur cette rencontre et sur les mots teintés de pessimisme déguisé qu’a prononcé le leader du parti, repris deux jours après par le faiseur de rois Alhassane Makanera KAKE.
Cette situation n’augure rien de bon car s’achemine vers les législatives (avec vraisemblablement le même fichier électoral) qui permettront au RPG d’avoir la majorité absolue au parlement et ainsi valider le rêve s’il y a un, de révision de la constitution et d’accorder un TROISIEME mandat au KORO NATIONAL. D’autre part, vu que la crise profite à certains, on va aller de crise en crise jusqu’en 2020 avec une situation de ni paix, ni guerre et cela permettra au pouvoir d’invoquer l’impossibilité d’organiser des élections à pareille situation, syndrome congolais, faire une KABILA (glissement).
Je termine cette tribune par faire des recommandations à ces deux hommes :
A Cellou, je lui conseillerai fortement d’aller faire ses gammes chez BAH Oury, Alpha Conde et Macky SALL. Il lui sera important de lire et d’assimiler les ouvrages de science politique tels que : LE PRINCE (Machiavel), DE LA DEMOCRATIE EN AMERIQUE (Alexis de Tocqueville), L’HISTOIRE DES IDEES POLITIQUES (Olivier Nay), L’ART DE LA GUERRE (TSUN TZU) … Une fois qu’il aura fini, peut-être que cela lui permettra de faire enfin la politique par la tête et non par le cœur, car en politique y a ni remords, ni amitié, ni pitié.
A Alpha, il faudra commencer par revoir sa position et œuvrer à la recomposition du tissu social qui est fortement déchiré. Nommer un PM PEUL pour embêter le RPG et draguer l’UFDG écrire ses mémoires dès la fin de son deuxième et « dernier » mandat, donner des cours de science politique à Cellou et ses collègues opposants mais aussi eux étudiants de l’université de Sonfonia.

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