Depuis un certain moment, des débats houleux autour du Franc CFA ébranlent le monde des économistes et par delà de l’Afrique tout entière. Alors que les uns le soutiennent, les autres le clouent au pilori. Dans un article publié il y a moins d’une année et dont nous vous proposons l’intégralité, nos confrères de Slate Afrique ont expliqué quelques avantages et inconvénients liés à ce système monétaire.
Objet de clivage chez les économistes comme chez les responsables politiques africains, le franc CFA présente à la fois des intérêts et des désagréments pour les pays utilisateurs. Comment fonctionne le système? Quels sont les arguments de ses détracteurs, et ceux de ses partisans?
Qu’est-ce que la zone franc?
Créée en 1939, la zone franc est un espace économique et monétaire d’Afrique subsaharienne, où vivent quelque 155 millions d’habitants. Deux sous-ensembles la composent: l’Union économique et monétaire ouest africaine (UEMOA) et la Communauté économique et monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC).
La monnaie commune à cette zone est depuis 1945 le « franc CFA » (signifiant « franc de la communauté financière africaine » dans l’UEMOA et « franc de la coopération financière en Afrique centrale » dans la CEMAC). Le « CFA », autrefois arrimé au franc français, est aujourd’hui lié à l’euro par un système de parité fixe.
Combien de pays la composent?
La zone franc comprend 14 pays d’Afrique subsaharienne: 8 membres de l’UEMOA (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo) et 6 de la CEMAC (Cameroun, Centrafrique, Congo, Gabon, Guinée-équatoriale, Tchad). Ces deux zones ont chacune leur banque centrale, basées à Dakar (BCEAO) et Yaounde (BEAC).
La zone franc compte par ailleurs un quinzième membre, l’archipel des Comores, dont la monnaie a toutefois une parité différente de celle des 14 autres pays, ainsi que la France, liée statutairement à l’ensemble de la zone.
Comment fonctionne le système?
Du fait de sa parité fixe, la valeur du franc CFA évolue de façon parallèle à celle de l’euro. C’est Paris, à travers un accord de coopération monétaire, qui garantit la convertibilité du franc avec la monnaie européenne, de façon illimitée.
En contrepartie, les banques centrales de la zone franc doivent déposer 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français, sur un compte dit « d’opérations ». En 2015, le dépôt de la BEAC et la BCEAO dans les coffres du Trésor représentait environ 14 milliards d’euros.
Quels sont ses avantages?
Le principal est la stabilité. La création de monnaie étant sous contrôle extérieur, il n’y a pas la tentation de « faire tourner la planche à billets »: les pays de la zone franc bénéficient ainsi d’une dette publique limitée (moins de 70% du PIB) et d’une inflation maîtrisée (moins de 3%), quand nombre de leurs voisins se battent avec une inflation en dents de scie.
Le CFA, en outre, est un atout en terme d’intégration régionale: il facilite les échanges entre pays de la zone, « au bénéfice des économies nationales et des acteurs économiques« , selon Noël Magloire Ndoba, ancien doyen de la Faculté d’Economie de l’université de Brazzaville.
Le franc CFA bénéficie enfin d’une crédibilité internationale qui manque aux autres monnaies de la région, du fait de son lien avec l’euro. « C’est un gage de sécurité auprès des marchés. Et ces pays ont besoin des marchés financiers pour l’investissement« , juge Christopher Dembik, économiste chez SaxoBank.
Quels sont ses inconvénients?
Le principal inconvénient est celui de la dépendance monétaire: le système du franc CFA prête le flanc au procès en néocolonialisme, du fait notamment de l’obligation de déposer 50% des réserves au Trésor français, même si ce dépôt ne rapporte rien à la France, qui les rémunère aujourd’hui au-dessus des taux du marché.
Pour l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembele, ces dépôts « privent les pays concernés de liquidités » et leur fait perdre une partie de leur « souveraineté ». « Vous imaginez la banque centrale européenne déposer 50% de ses réserves à Washington? Cela paraît impensable« , souligne-t-il.
Autre problème: les gouverneurs de la BCEAO et de la BEAC n’ont pas les coudées franches pour faire varier le cours de leur monnaie, la parité avec l’euro les obligeant à calquer leur politique sur celle de la BCE. « Le sort du franc CFA se décide à Paris et à Francfort. Or les priorités pour l’Europe ne sont pas celles des pays africains« , dénonce Demba Moussa Dembele.
L’arrimage à l’euro, enfin, fait subir au franc CFA les fluctuations de la monnaie européenne. Avec des conséquences parfois néfastes pour les exportations des pays de la zone, du moins quand l’euro est fort — ce qui n’est plus le cas depuis l’été 2014.
Slate Afrique