C’est lui par qui la contestation pourrait éclore à la Commission électorale nationale indépendante ( CENI) de Guinée. Dans cette interview à ledeclic.info, Charles André Soumah dénonce certaines pratiques qui prévalent au sein de l’organe chargé des élections. Pour lui, la CENI doit, avant tout, garder son indépendance. Lisez !
Bonjour Charles André Soumah
Bonjour
Vous êtes aujourd’hui commissaire à la CENI. Tout d’abord, parlez- nous un peu de votre carrière avant d’être dans cette institution ?
Je suis journaliste. Mais avant ça j’ai fait 10 ans à l’extérieur, j’ai enseigné dans la coopération au temps de la Révolution. Ensuite je suis rentré en Guinée par le canal d’un ancien ministre défunt, Zainoul Abidine Sanoussi. Et après je suis venu à la RTG où j’ai évolué au niveau du journal politique. Tout en étant professeur, je me suis recyclé pour apprendre le journalisme, parce que c’est un métier qu’il faut apprendre. J’ai donc fait 4 ans à l’université pour être un journaliste professionnel et avoir mon diplôme en journalisme. J’étais reporter, présentateur et animateur des émissions de santé où j’ai fait 18 ans, et pendant 11 ans dans le journal télévisé et parlé. Cependant, j’ai vu que je n’avançais pas et en 2011, je suis allé en politique dans l’un des plus jeunes partis, la GECI, Génération citoyenne. J’y étais comme chargé de Communication et des Relations extérieures. C’est ainsi que Monsieur Fodé Mohamed Soumah qui est le président de ce parti a eu une attention particulière sur moi, sur ce que je faisais. J’étais la pièce maîtresse avec certains membres du parti et lui résidait en France. C’est de là j’ai été choisi pour aller faire deux mois au palais pour la recomposition de la CENI. J’étais également président de la sous-commission et de la communication de l’opposition. C’est moi qui allais vers les leaders quand il s’agissait de recueillir les informations relatives aux marches. J’ai fait ce travail en toute indépendance d’esprit.
Dites- nous comment ont été vos débuts à la CENI ?
Je suis arrivé à la CENI en 2012, tout comme d’autres commissaires. J’ai été choisi d’abord par mon parti et la classe politique de l’opposition. Vous savez l’OGE, l’organe de gestion des élections, a ses contraintes. Parce qu’il doit respecter ses feuilles routes, les textes de lois comme la loi 016. Tout le monde doit respecter cela pour faire fonctionner la CENI. Donc les débuts n’étaient pratiquement pas faciles. Mais je me suis vite adapté et suis parvenu à mettre une stratégie de communication en place. C’est ce qui fut fait. Actuellement je suis initié en Bridge, la communication électorale et mapitrise du processus électoral.
Depuis 2016 jusqu’ici, nous assistons à des crises répétitives à la CENI. Quelles en sont les origines, selon vous ?
Vous savez, c’est la loi qui envoie à la CENI. Cette même loi dit, il faut 10 de l’opposition, 10 de la mouvance, 3 de la société civile, et 2 de l’administration. Mais si ceux-là qui sont supposés être impartiaux, n’arrivent pas à respecter la loi, ça pose problème. Donc Bakary est venu, nous avons eu confiance en lui, pensant qu’il allait traduire les textes de loi ; une chose qui n’a pas été faite pendant cinq ans. Moi-même, j’ai été le premier à faire de pétitions. Mes amis m’ont dit de mettre ça en veille, mais j’ai dit que ça ne peut pas continuer ainsi. Parce que ceux qui peuvent être candidats, ce sont ceux de la société, et qui sont censés être impartiaux et neutres, mais qui ne le sont pas. Ce que Bakary faisait; il prenait des décisions unilatérales, sans consulter. Et donc, on a continué de mal gouvernance en mal gouvernance et à l’époque nous qui étions de l’opposition, on ne pouvait pas faire comprendre aux autres de la mouvance, pour qu’on s’accorde pour pouvoir le débarquer. Mais quand les gens ont compris vraiment que le bateau chavirait, on s’est tous mis dans la même logique pour le faire partir.
Qu’est ce que vous reprochiez concrètement à Bakary Fofana ?
La mal gouvernance, la mal gouvernance et la gestion opaque. Sur le plan de l’administration, sur le plan de la gestion, on ne savait rien du budget qu’on envoyait; c’est lui seul qui gérait, c’est lui seul qui était l’ordonnateur. Il y’avait un pool financier, mais un pool financier qui était à sa dévotion. Et nous, en tant que directeur de département, on ne savait rien. On élaborait le budget mais la gestion, on n’en savait rien et surtout le recrutement à l’emporte-pièce. Il y a des secrétaires actuellement à la CENI qui ne peuvent même pas construire une phrase. La disparité entre les salaires créait aussi des frustrations.
Vous êtes à l’ère de Maître Salifou Kébé. Dites-nous comment se porte la CENI aujourd’hui ?
Vous savez, les 18 commissaires qui se sont levés pour élire Maître Kébé, avaient une confiance inouïe en ce monsieur parce que, avec son manteau de juriste, et venant de la société civile, on a pensé que le changement allait être radical. Mais pour un départ, on a constaté que la CENI sans Bakary, les mêmes pratiques continuent. On a mis une commission en place pour le renforcement des capacités des membres de la CENI. On s’aperçoit, malgré tout, que les même pratiques reviennent. Des décisions unilatérales; il envoie des commissaires en mission sans que nous ne le sachions, des nominations fantaisistes, par favoritisme, l’ethnostratégie est venue s’installer. Nous avons vu ça à l’horizon, nous voulons y mettre fin et la plénière est souveraine.
Votre mot de la fin ?
Ce que je voudrais dire à tous les commissaires, c’est d’observer l’indépendance. Une fois qu’on est à la CENI, nous devons mettre la nation devant, travailler pour le peuple. Si par exemple, une commune se lève et dit nous ne voulons pas voir tel commissaire ici, tel autre commissaire ici, c’est la CENI qui sera affaiblie. Pourtant, nous devons savoir que nous sommes là pour la nation et tout travail accompli va dans le sens du développement de la Guinée. C’est seulement cela qui pourra nous faire éviter des crises politiques dans le pays.
Propos recueillis par Aliou Sanaya Diallo