Le climat politique reste tendu entre le pouvoir militaire et les forces vives de Guinée. Ces dernières ont initié ces derniers temps une série de manifestations pour dénoncer ce qu’elles qualifient de « conduite solitaire » de la transition et « d’acharnement » contre certains leaders. Dans ce contexte, la confiance s’amenuise et le désaccord grandit, avec pour conséquence des menaces de nouvelles manifestations. C’est pour remettre les protagonistes autour de la table et trouver une solution durable que les religieux multiplient les actions. Mais quels rôles doivent-ils exactement jouer pour désamorcer la crise sociopolitique ? Que faire pour ne pas perdre la confiance que les deux camps placent jusqu’ici en eux ?
En analyse, le sociologue Ansoumane Condé indique : « bien que beaucoup de personnes ont tendance à oublier ou ignorer aujourd’hui la place des religieux dans la résolution des crises en Afrique de manière générale et particulièrement en Guinée, lorsqu’on regarde l’aspect sociologique et politique de cette entité, on se rend compte qu’elle a été et reste un levier pour gérer nos désaccords. Parce que nos sociétés, bien que modernisées, gardent encore leur fondement originel et beaucoup sont attachées aux valeurs ancestrales. D’ailleurs, dit-il, la religion et la politique ont ceci de commun qu’elles poursuivent le même but qui est de résoudre le problème humain, de renforcer le vivre-ensemble et de fustiger la violence. Certes, il y a aujourd’hui un recul de confiance, mais disons que les religieux peuvent toujours avoir un poids conséquent sur la résolution des crises en Guinée. Pour cela, ils doivent montrer le caractère de neutralité dans leur démarche. Ils doivent aussi comprendre qu’un chef politique appartient à une entité, mais un religieux appartient à toute l’humanité. Ainsi pour mener à bien leur mission qui consiste à préserver la paix et à rétablir la compréhension entre les humains, ils doivent être apolitiques et modèles de confiance et de responsabilité. Parce que si on remonte le temps, à un moment donné, beaucoup de nos religieux étaient devenus des militants et d’autres se seraient montrés « vendables ». Ce qui a provoqué malheureusement, un déficit de confiance entre les religieux et les acteurs politiques ainsi que les autres. Sinon, même ailleurs, dans le monde occidental, les religieux ont encore la voix au chapitre dans les crises. Alors pour avoir aussi un poids dans la résolution des désaccords politiques en Guinée, nos religieux doivent inspirer la confiance, chercher à comprendre l’origine du problème et dire la vérité sans tenir compte du rang de qui que ce soit. Le manteau d’un religieux, c’est la vérité, la neutralité et l’impartialité. S’ils accomplissent ces trois fonctions, ils pourront y arriver. » Tout un défi !
Gassime Fofana