Guinée : Autopsie d’un pouvoir qui désillusionne

L’avènement du président Alpha Condé à la tête de la Guinée en 2010 avait suscité beaucoup d’espoir chez des citoyens. De l’amélioration des services sociaux de base au renforcement du tissu social, les attentes étaient à la dimension des décennies de frustrations économiques et politiques. Quelques années après, le constat révèle que beaucoup reste encore à faire.   

Un cadre intègre, un professeur éclairé. Il a des relations qui peuvent aider au  décollage socio-économique de la Guinée. Des discours aux relents d’optimisme ont rythmé l’aube du pouvoir d’Alpha Condé avec en filigrane le célèbre slogan Guinée is back. Sept ans après et avec le recul nécessaire à l’appréhension politique et à la compréhension sociétale, force est de reconnaître qu’il reste beaucoup encore à faire pour sortir les Guinéens de l’ornière.

 Dans le domaine éducatif, par exemple, les enseignants s’attendaient à une amélioration significative de leurs conditions de vie ; le Président étant de la corporation et présumé fin connaisseur des problèmes qui assaillent l’activité enseignante.  Certes ces derniers temps, un effort est consenti dans ce sens. La grille salariale des éducateurs et formateurs a été améliorée, mais beaucoup d’enseignants du pays surtout dans les préfectures et sous-préfectures vivent toujours dans des conditions précaires. C’est pourquoi, ces derniers temps, ils ont enfourché leurs gros chevaux  pour réclamer plus de droits dans l’exercice de leur fonction. La dernière manifestation remonte au mois de février dernier au cours de laquelle les enseignants ont exigé les meilleures conditions de vie et de travail.  

Aussi, en dépit des efforts consentis pour améliorer le panier de la ménagère, le problème persiste en Guinée. En raison d’une politique mal orientée et mal appliquée, le rendement des activités agricoles, halieutiques et d’élevage ne parviennent pas à résorber les besoins de la population, confrontée à l’importation des produits de grande consommation.

Même constat  dans le secteur énergétique. Malgré l’espoir suscité par la construction du barrage hydro-électrique de Kaleta, la majeure partie du pays reste encore plongée dans le noir. Ceux qui en profitent le sont à des intervalles de temps bien précis sinon par intermittence. Des crises d’électricité ont d’ailleurs éclaté dans plusieurs quartiers de Conakry ainsi que  dans plusieurs villes de l’intérieur du pays.

Et comme cela ne suffisait pas à noircir le tableau, le grand banditisme sur fond d’attaques ciblées étreint la population. Des coupeurs de route règnent presqu’en maîtres absolus à l’intérieur alors que dans la capitale, les maisons sont vandalisées, certaines personnes sont braquées  et d’autres ne dorment plus sur les lauriers. Conséquence,  des  citoyens se rendent justice, des lynchages sont légion et c’est l’état de droit dirigé par un professeur de droit qui est sur le point de foutre le camp.

Ajouter à  cela, « les injures présidentielles» et pestilentielles distillées à tout bout de champ envers et contre des citoyens. Mal élevés un jour, mal éduqués un autre, les guinéens en ont pour leur grade.  Pourtant, il y a quelques années derrière nous, Alpha Condé partait de préfectures en préfectures, de communes en communes, de villages en villages, de quartiers en quartiers pour quémander le suffrage de ceux qu’il cloue aujourd’hui au pilori. Il y a quelques années encore, c’est ce peuple qu’il qualifie aujourd’hui d’indiscipliné qui se sacrifiait, qui se battait pour lui. Il a fallu que ce peuple passe son temps, arrêté sous le soleil, sous la pluie parfois ventre vide pour certains, poche trouée pour d’autres pour qu’il soit hissé au perchoir. Il faut donc être, à contrario, être un citoyen éduqué et discipliné pour exercer ce droit de vote. Mais cela ne devrait pas étonner car ce qui reste clair, c’est qu’en politique, la moralité et la sagesse ont rarement leur place.

Et face à ce pouvoir qui excelle dans les promesses et pèche dans leur réalisation, on s’attendait à trouver une opposition politique responsable et des députés engagés. Mais au lieu d’être des solutions, ils contribuent à assaisonner une situation déjà bien marinée dans la sauce de confusion et du laisser-aller. Ces députés et opposants ne prêchent désormais que pour leurs poches et semblent de plus en plus s’éloigner de l’essentiel : celui de défendre un peuple subjugué par les difficultés du quotidien et qui attend, se nourrissant du maigre espoir de voir les choses changer positivement en sa faveur.

Pour l’heure, le bon signal ne viendrait pas du pouvoir ainsi que de la classe politique dont les uns s’activent dans des manœuvres de basse classe alors que les autres font des manifestations de rue leur sport certes favori mais pas encore totalement prolifique.                                 

Gassime Fofana

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *