Née de l’Union douanière, la CEDEAO est une institution créée le 28 mai 1975 pour promouvoir le développement économique de l’Afrique de l’Ouest. C’est plus tard, en 1990, que son pouvoir est étendu au maintien de la stabilité dans la sous-région. Aujourd’hui, cette institution cristallise les débats en termes de gestion des crises surtout politiques dans ses pays membres.
La plus actuelle c’est le coup d’Etat perpétré par l’armée malienne et qui a renversé mardi le Président IBK. Une crise qui a fait intervenir la CEDEAO à travers un communiqué invitant les putschistes à remettre l’ordre constitutionnel. Cette position suscite aujourdhui des critiques de la part de plusieurs analystes. « La CEDEAO, précise Mohamed Condé, est une structure qui a une vision économique, c’est-à-dire elle a été créée pour des objectifs économiques. Mais réellement qui parle économie parle politique. La CEDEAO traite les crises conformément à sa ligne, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles elle a été créée. Et ses approches dans la gestion des crises reste le sempiternel problème qu’on retrouve dans toutes les institutions de ce genre. Donc, poursuit le secrétaire général du ministère de la communication, il faut faire une distinction entre les crises. Il y a des crises à caractère politique. Là, elle utilise la médiation pour les régler en essayant de mettre autour de la table les parties qui sont opposées au niveau de l’Etat. Il arrive aussi qu’elle tape sur la table comme ce fut le cas lors de la guerre au Liberia et en Sierra Leone et un peu en Gambie ou en Guinée Bissau. Il arrive ensuite qu’elle utilise des démarches en sourdine pour régler les crises ».
Par ailleurs pour M. Condé, la CEDEAO a toujours été un espace pour réaffirmer la position de l’Afrique de l’Ouest concernant la gestion de certains conflits. Et la crise au Mali ne fait pas exception. « Pour le cas du Mali, la CEDEAO a fait beaucoup de démarches pour conserver le caractère unitaire du pays et éviter qu’il sombre dans le désordre. Parce que les coups d’Etat très souvent paraissent très beaux parce qu’on les fait souvent pour régler certains problèmes ponctuels. Mais le coup d’Etat n’est pas la solution appropriée pour régler le problème de fonctionnement d’un pays car, dans l’avenir ça peut être extrêmement dangereux et peut mettre le pays en retard. C’est pourquoi la CEDEAO voulait que tout soit conforme aux textes préexistants en Afrique de l’Ouest ainsi qu’au respect de la Constitution. Nulle part au monde, le coup d’Etat n’a réglé un problème. »
Pour sa part, Dembo Sylla, membre du bureau exécutif de l’Ulion démocratique de Guinée (UDG) renchérit : « la CEDEAO est une communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest. Mais cette institution ne s’est pas donnée, de par sa dénomination même, une branche politique parce que, quand on a affaire à une communauté économique des États, cela veut dire que son domaine d’action, de par sa nomenclature, reste limité aux questions économiques. Mais aujourd’hui, poursuit l’acteur politique, elle est beaucoup plus impliquée dans les questions politiques. Très souvent ses attributions se confrontent avec la souveraineté des États. Et vous savez que ça c’est très difficile, surtout que les États sont très jaloux de leur souveraineté. Ce qui fait que la CEDEAO a du mal à se faire respecter à travers ses règlements et ses attributions au niveau des conflits qui sont à 95% d’ordre politique. En plus, à mon avis, la CEDEAO s’est accommodée de certaines situations dans certains pays de la sous-région. Ces situations font qu’aujourd’hui elle a des difficultés pour imposer un autre comportement vis-à-vis des autres pays membres où il y a des conflit qui naissent. Sinon en termes d’intégration, elle est arrivée à certains résultats vraiment appréciables comme les protocoles économiques, qui ont favorisé la libre circulation des personnes et leurs biens mais aussi l’annulation de visas. Ça c’est dans le domaine administratif et économique. Par contre, elle a du mal à se muer en termes politiques. Raison pour laquelle la CEDEAO doit repenser ses propres attributions et faire en sorte que ses États membres s’engagent afin de lui donner des compétences beaucoup plus étendues », conclut-il.
Gassime Fofana