Son histoire a de quoi donner des frissons parce que Fatoumata Lamine Fofana est une vraie miraculée. Alors qu’elle n’avait que 20 ans, ses parents, frères et sœurs décèdent brusquement. Victimes du virus Ebola. Orpheline et sans véritable soutien, elle doit affronter la peur des agents de santé, l’isolement dans une société échaudée par des dégâts causés par l’épidémie. Portrait.
« Je n’ai jamais connu la pauvreté. Mon papa était directeur général d’une agence de crédit de Forécariah et ma maman aussi travaillait », entame Fatoumata Lamine Fofana, au bord des larmes.
Pourtant celle pour qui tout semblait planifié va voir sa vie basculer avec l’arrivée dans la préfecture de Forécariah, au sud-ouest de la Guinée de l’épidémie à virus Ebola. « D’abord, c’est mon père qui est tombé malade. On l’a envoyé à l’hôpital, mais malheureusement, il est décédé ». Pour la fille, le malheur ne fait que commencer parce que, trois jours plus tard, c’est sa mère aussi qui meurt, foudroyée par la même maladie. « Ma maman est décédée dans mes mains et c’est moi qui ai lavé son corps avant de l’enterrer », se rappelle-t-elle.
Dans sa famille, le virus ne s’est pas arrêté qu’aux parents de Fatoumata Lamine Fofana. Ce sont en tout 15 de ses proches qui vont rendre l’âme l’un après l’autre : ses frères, ses sœurs et ses oncles.
C’est en ce moment que la suspicion gagne la cité et c’est en ce moment que Fatoumata va devenir la cible principale de la Croix rouge et des agents de lutte contre Ebola. « Les agents et d’autres personnes ont conclu que, puisque c’est moi qui ai lavé le corps de ma maman, je dois avoir aussi Ebola. Alors partout où je passais, je t’ai regardée comme une criminelle de haut niveau. Tout le monde se méfiait de moi et les agents sanitaires accompagnés de gendarmes et policiers me traquaient sans cesse », raconte Fatoumata.
Pétrifiée et devant l’angoisse de la mort et de la solitude, l’orpheline décide alors de se réfugier dans un cimetière où elle reste deux semaines. « C’est le seul endroit où je me sentais en sécurité. C’est là que je dormais et passais la journée. Personne ne connaissait ma destination », explique-t-elle.
Pour sa nourriture, elle précise que durant les deux semaines passées dans le cimetière, elle n’a rien mangé. «La seule chose à laquelle je pensais en ce moment-là, c’était comment sauver ma vie. Je ne savais même pas en moi, si j’avais faim. Je ne ressentais rien. J’avais seulement peur, peur de mourir, peur d’être maltraitée » ajoute-t-elle.
C’est finalement un jeudi, à 1heure du matin qu’elle décide de sortir de sa planque. Destination : le village de sa mère au premier pont, non loin du centre ville de la préfecture. Et là également, elle va être dénoncée par ceux qui l’ont aperçue et pourchassée à nouveau par les contrôleurs. « Le matin, les agents communautaires avec les forces de l’ordre ont débarqué chez nous. Dès que je l’ai su, je suis allée me réfugier immédiatement dans la plantation de ma maman ». Elle va y rester un mois avec le soutien, cette fois, d’une de ses tantes qui lui apportait à manger et du réconfort.
L’histoire de Fatoumata Lamine Fofana se propage dans la préfecture comme une traînée de poussière. C’est, finalement, à la faveur d’un meeting qu’un haut cadre de la préfecture a demandé qu’elle soit recherchée et qu’elle rentre chez elle. « De retour à la maison, ajoute-t-elle, j’ai fait plus de trois mois, personne ne me saluait ni me parlait de peur de contracter l’épidémie. Les agents en charge de la lutte contre Ebola continuaient toujours de me traquer. Dès qu’il y a un cas seulement, le premier endroit qu’ils vérifient, c’est chez moi, mais Dieu n’a pas voulu que je meure ».
Cela fait maintenant deux ans et six mois, Fatoumata Lamine Fofana, se prend, elle-même, en charge. « Personne, dit-elle avec un brin de regret, ne m’aide ou ne s’occupe de moi. Quand je quitte l’école, je fais le petit commerce pour pouvoir subvenir à mes besoins ».
Malgré ce manque de moyens et le regard inconvenant que la société pose toujours sur elle, Fatoumata tient à construire son avenir. Elle fait aujourd’hui la 12eme année dans une école de la place. Elève brillante et sage en classe, comme le reconnaît, Mamadouba Bangoura, un de ses amis proches, sa seule crainte reste désormais de ne pas pouvoir poursuivre les études. Car chercher sa vie d’un côté et étudier de l’autre s’avère difficile pour la fille âgée aujourd’hui de 22 ans. « Surtout quand je me rappelle que je ne suis pas habituée à cette vie de misère, » conclut-elle, entre deux sanglots.
Gassime Fofana