Remaniement ministériel. C’est le refrain d’une chanson passe-partout que les Guinéens retiennent désormais par coeur tellement qu’il a été entonné par Alpha Condé. Le président guinéen ne rate aucune occasion pour tomber à bras raccourcis sur ses ministres dont certains sont accusés de ne pas suffisamment s’impliquer dans le développement du pays. «J’ai prévenu le gouvernement, ceux qui n’iront pas dans ce sens-là, partiront. Il faut d’abord que nous les cadres, les dirigeants, essayions de servir notre peuple, en améliorant ses conditions de vie », s’exprimait le Chef de l’Etat il y a quelques semaines.
Ils sont, en effet, nombreux ces ministres qui passent le plus clair de leur temps à se tourner les pouces dans les bureaux alors que, sur le terrain, les défis liés à leurs secteurs sont énormissimes. Ainsi, malgré les espérances soulevées, beaucoup de Guinéens connaissent encore et malheureusement des délestages, d’autres manquent toujours d’eau potable alors que d’autres encore squattent les ambassades ou la Méditerranée dans l’espoir hypothétique de vivre, outre-Atlantique, des moments de bonheur. Contre ces ministres, Alpha Condé brandit chaque fois le mouchoir rouge du limogeage. Depuis huit ans, c’est le même discours à grand renfort de venin et de déception qui nous est servi. Tel un gâteau sans cerise posé sur la table dégarnie des Guinéens las des soubresauts politiques et sociaux. Les événements de ces derniers jours sur fond de blocage dans les négociations avec les syndicalistes de l’Education constituent une preuve que le gouvernement actuel a atteint ses limites et a besoin d’un coup de neuf ou le Palais d’un coup de peinture.
En annonçant ce jeudi un remaniement en profondeur, Alpha Condé, reconnaît, volens nolens, la faiblesse de son gouvernement et ipso facto, la nécessité d’extirper les Guinéens de cette torpeur qui les enveloppe. Il veut surtout donner un second souffle à la machine institutionnelle qui a plus que jamais besoin d’être re-engraissée et re-oxygenée.
Un lifting de l’équipe de Mamady Youla trouve ici toute sa justication. Mais pour un président qui a habitué ses compatriotes aux mesurettes et dont les choix restent jusqu’ici plus tactiques que stratégiques, il est fort à douter que ceux qui viennent ne constituent le problème au lieu d’en être la solution. Les faits sont en tout cas têtus car en plus du recyclage et du jeu de chaises musicales dont il est l’un des as, Alpha Condé devra se débarasser de certains de ses protégés. Ceux-là qui ne sont peut-être pas trop proches des chapelles politiciennes mais qui, à coup sûr, ne seront pas moins méritants que ceux qui arrivront.
Alors avant même de commencer à écouter « la majorité silencieuse », le président Alpha Condé devra d’abord se faire le portrait-robot de « ces ministres qui sont à l’écoute de la population et qui s’occupent de leurs programmes». Car pendant huit ans, c’est ce type d’hommes qui lui a véritablement manqué. Toute nouvelle erreur de casting de sa part serait donc comme Sisyphe tentant en vain de maintenir son rocher sur le sommet de la montagne. Un éternel recommencement sera préjudiciable à l’héritage qu’il veut historique et qu’il souhaite léguer à la prospérité de la République de Guinée.
Camara Ibrahima Sory