C’est un constat qui saute de plus en plus aux yeux. Les prix sont fixés en Guinée de façon très incontrôlée et désordonnée. Ce qui porte un coup dur au panier de la ménagère et rend difficile l’accès aux produits de grande consommation. Alors comment l’État peut-il aujourd’hui contrôler le marché des biens et services ? C’est la grosse question qui se pose surtout à un moment où la conjoncture économique nationale et internationale reste très fragile.
Pour y parvenir, certains économistes proposent que l’on s’attaque tout d’abord au mal par la racine. Pour eux, le libéralisme économique pris par le pays après la fin du régime socialiste est à la base de la situation que nous traversons, mais aussi l’incapacité de la Banque centrale à maîtriser la masse monétaire dans le pays. « Vous savez pendant la première République, les prix étaient administrés. L’Etat achetait cher et vendait moins cher. Pour cela, il était le principal acteur économique. A la mort de Sékou Touré, l’Etat était présent dans l’économie à hauteur de 85%. Cela permettait de maîtriser toutes les structures de production et de pouvoir fixer le prix librement. Mais à partir de 1984, l’armée a opté pour l’économie libérale. Mais malheureusement, on a pris le libéralisme sauvage, c’est-à-dire le libéralisme à l’extrême, alors qu’on devait faire le libéralisme contrôlé. Premièrement, l’Etat s’est désengagé de tout. Les statistiques indiquent 365 entreprises publiques que Sékou avait laissées. Sous Conté, il n’y a pas 4 qui fonctionnaient, c’est-à-dire on a liquidé et privatisé tout. Ce qui a fait que l’Etat a perdu son contrôle sur l’économie et son rôle de régulateur. Le second élément très important, c’est que l’Etat a perdu aussi le pouvoir monétaire dont les Etats disposent. Ce pouvoir monétaire, c’est quoi ? L’argent qui circule dans un pays qui est la masse monétaire est toujours soit la monnaie nationale, soit la monnaie commune, soit la monnaie régionale. Mais, nous en Guinée, on a plusieurs monnaies qui circulent en même temps. C’est un cas spécifique très rare. A Madina, tu peux faire achat en devise, on te donne la monnaie en francs guinéens ou en dollars. Dans d’autres pays, c’est impossible. Tu fais les transactions en monnaie nationale. L’Etat maîtrise seul la ou les devises. En Guinée , l’Etat ne maîtrise pas les devises, mais plutôt le secteur privé. Finalement, la valeur de la devise est fixée par Madina que par la Banque centrale », explique Docteur Alhassane Makanera Kaké qui ajoute que le troisième facteur est la guerre en Ukraine qui contraint les économies du monde et qui augure un lendemain difficile pour les pays.
Que faut-il faire pour résoudre le problème ?
Pour le spécialiste des questions de Finances, il faut arriver avant tout à mettre en place un mécanisme qui permet à l’Etat de contrôler l’économie et les finances publiques, à faire de telle sorte que les devises soient contrôlées par la Banque centrale. « Et c’est possible. On n’a pas réfléchi au début. Ils ont plutôt utilisé la violence pour pouvoir le faire. Alors que quand on fait la violence en économie, on échoue, parce qu’on dit souvent que les oiseaux ne descendent jamais là où il y a des cris. Les investisseurs sont comme des oiseaux. Quand on veut séduire un investisseur, c’est avec le calme, c’est la sécurité. Alors que les gouvernements précédents ont fait pour pouvoir contrôler la devise, c’est vraiment la force. Donc on invite le gouvernement de transition à mettre les mécanismes qui rassurent les investisseurs et que la devise ne doit être détenue qu’au niveau de la Banque centrale », conclut-il.
Gassime Fofana