Dr Nyankoye Yves Haba, DG du CNTS- Guinée : « les accusations de trafic du sang ne disparaitront que lorsque … »

  Crée par décret il y a près de 30 ans, le Centre National de la Transfusion Sanguine (CNTS) de Guinée  intervient dans la santé de la population surtout  dans celui lié au déficit de sang. Malgré des efforts fournis ça et là, les difficultés restent aussi immenses dans l’obtention du sang de la part des donneurs en cas d’urgence. La situation est d’autant plus préoccupante que certains professionnels de santé sont accusés de trafic. Autant de questions auxquelles le Directeur général du centre a bien voulu répondre. 

Bonjour Docteur Haba.

Bonjour 

Quelle est la mission principale du CNTS ?

Le centre National De la Transfusion Sanguine a été crée par décret présidentiel depuis 1988. Sa mission principale est la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière de transfusion sanguine et à travers cette mise en œuvre, il s’agit de l’organisation de la transfusion sanguine sur l’étendue du territoire national. Il s’agit de la promotion du don de sang, du recrutement des donneurs, de collecte de sang, de la préparation de ce sang, de sa distribution sur toute l’étendue du territoire national. Il s’agit également de la formation  initiale et continue en matière de la transfusion sanguine et de la coopération dans ce domaine.

Quel est, aujourd’hui, l’état des lieux en matière de transfusion sanguine en Guinée mais surtout de la proportion donneur – habitant ?

   L’objectif que nous cherchons à atteindre c’est 10 unités pour mille habitants. Il ya quelques années, nous étions à deux dons pour 1000 puis nous sommes remontés à trois dons pour mille. En 2014, par exemple, nous étions à trois dons pour mille et à cinq dons pour mille en 2016. Comme vous le voyez, progressivement nous évoluons vers cet objectif. Il est question maintenant que la population nous  appuie puisque sans donneur il n’ya pas de transfusion ni de système de transfusion.

Le taux de collecte du sang  reste donc très faible en Guinée. Comment vous l’expliquez?

Il y a plusieurs facteurs qui expliquent, essentiellement liés aux populations. Vous êtes d’accord avec moi que le civisme n’est pas le propre du Guinéen. Tout ce qui est public, on considère que ça n’appartient à personne donc personne ne veut s’y investir. En plus de cela, il ya que  la communication qui doit inciter les gens, qui doit exporter les préoccupations du CNTS vers la population. Cette communication ne se fait pas normalement parce que, du fait de la faiblesse de nos moyens, nous ne pouvons pas déployer tous les canaux de communication que nous pourrions utiliser à cet effet. Donc il y en a qui vont vous dire qu’ils n’ont jamais fait don de leur  sang parce qu’on ne leur aurait jamais parlé de ça.  Et même ceux-là qui ont appris qu’il y a des besoins en sang, vont vous dire que je n’ai jamais fait don de mon sang parce que j’ai peur. Et cette peur suppose  soit qu’ils ont une certaine phobie vis-à-vis du sang. Il y a des gens qui n’ont jamais vu une grande  quantité de sang  et le fait de voir cette quantité les dérange un peu. Il y a des personnes qui vont vous dire que l’aiguille avec laquelle on va les piquer va leur faire mal. Alors que c’est quelque chose  de purement anodin. Vous avez mal juste au moment où on va vous piquer et le reste du temps, vous ne ressentez rien. C’est comme une injection. Il y a ensuite ceux qui vont dire qu’ils ont peur parce qu’ils vont faire des analyses. Au lieu que ces analyses fassent peur aux gens, ça devrait plutôt être  un avantage pour eux  parce que très généralement, c’est à l’occasion de la visite médicale avant le don qu’on se rend compte que certaines personnes avaient des pathologies dont ils ignoraient l’existence. Donc c’est à l’occasion du don de sang qu’on peut découvrir certains problèmes de santé et le fait de les découvrir amène les personnes en accord avec le CNTS à se prendre en charge. Donc se sont quelques facteurs liés aux donneurs de sang. D’autres facteurs sont liés aux personnels des  structures de transfusion sanguine. Pour que quelqu’un accepte de  donner sang, il faudrait une information détaillée possible sur l’ensemble des facteurs  qui entourent le don de sang. Si donc le personnel n’est pas suffisamment compétent pour donner des explications afin que les gens soient rassurés, la peur va persister.

Un autre problème, c’est celui lié au trafic du sang. Certains responsables des services de santé sont accusés par les citoyens d’alimenter ce trafic. Que répondez-vous ?

L’accusation du trafic de sang trouve son fondement dans le fait que les gens ne veulent pas donner leur sang. Donc, quelqu’un qui demande aux citoyens de donner un montant et qu’en retour, il va trouver les  donneurs, il faut se demander s’il va trouver un donneur et comment? Le parent qui a donné de l’argent, tant qu’il recevra  sa poche de sang, dira toujours qu’il a acheté le sang.  Or le sang est une partie de notre organisme qui ne doit pas faire objet de vente. Même le montant forfaitaire qu’on récupère ne représente pas du tout ce  qui est investi pour produire une poche de sang. Donc les accusations de trafic du sang ne disparaitront que lorsque nous serons capables de fournir du sang contre les 13.500 francs guinéens et rien d’autre. Mais tant que nous continuons à demander les donneurs, les gens vont continuer à utiliser leurs stratégies et nous serons dans un cercle vicieux qui ne dit pas son nom.

En attendant que comptez-vous faire pour collecter suffisamment de sang et subvenir aux besoins toujours croissants des populations?

La stratégie consiste à utiliser les ONG partenaires à communiquer davantage sur le don de sang vers la population et c’est qui fait que cette année, nous avons, à l’occasion de la journée mondiale du don de sang, sollicité un échange avec les journalistes afin que nous puissions partager avec eux nos préoccupations, que nous puissions faire savoir à travers eux et à l’opinion nationale que le don du sang c’est quelque chose qui compte si on veut sauver le maximum de Guinéens.

Merci Monsieur Haba

C’est moi qui vous remercie.

 Propos recueillis par Seydouba Camara     

                

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