Sans doute, c’est une première fois en Guinée que les ministres se présentent devant la Cour constitutionnelle pour déclarer leurs biens. Le ballet d’ouverture a été donné ce mardi, 29 mai 2018 par le premier ministre, chef du gouvernement. Mais plusieurs analystes politiques craignent une manipulation juridique et estiment que la simple déclaration ne prouve pas la transparence.
C’est une disposition de la Constitution guinéenne notamment en son article 36 qui stipule que le président et ses ministres doivent déclarer leurs biens avant leur prise de fonction. C’est pourquoi, ce mardi, le nouveau PM s’est présenté pour déclarer ses biens. Kassory est suivi, dans la foulée, par d’autres membres de son gouvernement. Certes, un pas vers le respect de la Constitution, mais beaucoup d’analystes politiques pensent que la simple déclaration ne suffit pas surtout dans un pays où la crédibilité de l’appareil judiciaire est remise en cause. «Évidemment, c’est un ouf soulagement qu’on suive la voix constitutionnelle pour gouverner notre pays. Parce qu’il faut admettre qu’en Guinée, la gouvernance et même le fonctionnement de nos sociétés se font le plus souvent hors des lois. Et pourtant, dans beaucoup de pays aujourd’hui, ce sont des textes de loi qui parlent et non les envies des autorités. Donc ce geste du nouveau gouvernement est salutaire, explique Ansoumane Condé. Mais, poursuit le sociologue, aujourd’hui, il y a une crise de confiance entre le peuple et la classe politique ou entre les gouvernants et les gouvernés ou entre les citoyens et les institutions qui appliquent et font respecter la loi. Donc ce n’est pas la simple déclaration qui manifeste la transparence. Sinon qu’est-ce qui prouve que Kassory Fofana a dit vrai ou ses ministres diront vrai ? Rien ne prouve qu’on doit faire confiance à ce que nous disent ces ministres devant la Cour. Parce qu’en dépit de leur simple déclaration, nous ne disposons aucune possibilité de vérifier les chiffres avancés ». En plus de cela, notre interlocuteur estime qu’en tenant compte de la politique fiscale du pays, plusieurs hauts cadres pourraient avoir des comptes dissimulés un peu partout et qui échappent à la loi fiscale ou aux services fiscaux. «Donc nous ne pouvons pas dire que l’attitude est transparente. Parce qu’un ministre peut dire qu’il a tels millions alors qu’en réalité, il n’a que des miettes ».
M. Condé propose alors que, pour qu’il y ait une crédibilité dans la déclaration des biens des cadres nommés notamment les ministres, il faut rendre autonomes les institutions juridiques et fiscales afin qu’elles puissent davantage creuser à fond les déclarations de biens. «Cela permettra sans doute d’éviter toute manipulation mais aussi de faire lumière sur les fraudes fiscales. Lorsqu’on a des institutions comme ça en connivence avec les banques nationales et étrangères, nous pourrons connaître le montant exact dont dispose chaque ministre de ce pays avant même sa nomination comme cela se fait dans les pays avancés », conclut-il.
Gassime Fofana