Depuis plus d’une décennie, la réforme et la modernisation de l’administration publique constituent l’une des priorités du Chef de l’Etat, Alpha Condé. Un ministère a même été créé à cet effet. Plusieurs actes sont posés notamment le contrôle biométrique des fonctionnaires ou la formation des cadres dans des écoles d’administration. Malgré tout, le service public guinéen souffre encore de certaines tares dont le laisser-aller à presque tous les niveaux. C’est ce qui a poussé le Président de la République à instituer des visites inopinées dans les services et qui révèlent malheureusement que l’absentéisme et le retard sont les sports favoris des commis de l’État. Dans les lignes qui suivent, le juriste Alhassane Camara, pose le débat et porte sa réflexion sur quelques stratégies pour redynamiser notre administration.
De la rentabilité des services publics
Une précision tout d’abord. La Fonction publique ( ou le service public) a pour vocation d’offrir des prestations aux usagers, de satisfaire l’intérêt général. Ce qui l’écarte de la recherche du profit. Donc, la rentabilité dont il est question ici doit être observée sous l’angle de la satisfaction au compte des usagers ( et non rentabilité telle qu’utilisée dans le privé). Alors, si le service est performant, les usagers sont bien satisfaits de ses prestations ( c’est sa finalité). Mais à ce niveau, plusieurs écueils sont à élucider.
1- Le poids de la Politique sur l’administration publique.
Les chefs sont politiquement nommés, juste sur la base de la confiance politique de l’homme qui a le pouvoir de nomination. Les techniciens au sein de l’administration sont sous « le diktat » du bureaucrate nommé parfois sans aucune expérience dans le domaine.( Quand le niveau stratégique, là où on prend les grandes décisions, est en panne, c’est la tête qui est en panne, ce qui ne peut que se répercuter sur tout le corps). Peu sont donc les techniciens qui arrivent à tenir tête à leurs chefs. On ne cherche pas à mettre en œuvre l’expertise du technicien, mais plutôt la volonté de l’homme politique. Avec des calculs politiques au-dessus des impératifs techniques et réalistes.
2- Les procédés de recrutement à la Fonction publique
Certes, on nous apprend à l’école *qu’on n’entre pas dans la fonction publique par la petite porte*, mais nous avons tous une idée de la réalité. Les concours sont souvent lancés sur mesure. La corruption et la concussion ont remplacé les principes théoriques qu’on ne cesse de faire noter aux étudiants. Les concours ne sont que des formalités pour légitimer des listes de retenus déjà connues par ceux qui sont au sommet. Conséquence : les fonctionnaires recrutés ne sont pas toujours les plus compétents.
3- On n’exige pas vraiment des chefs de service des résultats et l’obligation de rendre compte. Une organisation performante est une organisation qui utilise au mieux ses ressources pour atteindre les résultats escomptés. Ce qui implique l’efficacité ( l’atteinte des résultats), l’efficience ( l’atteinte des résultats avec l’utilisation au mieux des ressources), la durabilité du résultat obtenu. Après tout ceci, il faut mesurer les résultats par rapport aux objectifs fixés. Ceci permet de prendre de bonnes décisions pour la suite.
Il est vrai que dans nos administrations il y a un semblant de tout ça, mais le phénomène politique fait que l’agent en question ne craint rien quand au résultat négatif ( surtout s’il est un protégé de l’homme politique).
Ainsi, si nous voulons rendre performantes nos administrations, nous devons revoir tous ces aspects que je viens de citer. À dire vrai, la Fonction publique ne doit pas être un élément qui sert à recompenser les affinités politiques, comme c’est le cas actuellement. La jonction entre la médiocrité et l’immobilisme se coutoie et se concilie, cela galvanise l’impasse de l’administration publique.
En outre, il est nécéssaire de mettre en place un mecanisme de contrôle, d’évalution des agents et des fonctionnaires. En fonction de cela, il faut récompenser ou sanctionner.
La remunération des fonctionnaires et des agents de l’administration publique, un serpent de mer !
En effet, être fonctionnaire en Guinée est souvent synonyme de précarité car c’est le service qui « épuise plus que ce qu’il donne comme renumération ». Le traitement des fonctionnaires est dérisoire; d’où la nécéssité de repenser le salaire des fonctionnaires afin d’atténuer l’intention de corruption de ces derniers. Il faut qu’ils soient à l’abri des besoins primaires et pour y parvenir, l’Etat doit d’abord assurer la prise en charge des fonctionnaires ( logements, assistance alimentaire, charges scolaires et médicales de leurs enfants).
Ensuite, il faut créer des écoles d’administration publique, encourager la formation continue des fonctionnaires.
De la maîtrise des tâches par les fonctionnaires
Dans les services, il y a malheureusement des fonctionnaires qui ne maîtrisent pas vraiment l’objectif précis pour lequel ils sont dans les bureaux. Ils perdent le temps et tournent en rond. C’est une faille organisationnelle du supérieur et le manque de contrôle. C’est ce qui amène cette confusion. En effet, un bon supérieur dans un service doit avoir un tableau de bord qui va lui servir de vitrine afin de guider efficacement son équipe. Mais malheureusement, il y a trop de laisser-aller dans nos administrations.
La numérisation de l’administration publique, une nécessité
C’est même un impératif aujourd’hui.
Sachez qu’il existe des villes « intelligentes » où l’usager n’a pas forcément besoin de se rendre dans le service pour être servi. Il reste à la maison, discute avec le service et il est servi. Ici c’est une satisfaction accrue et très intéressante. La satisfaction de l’usager et de l’intérêt général étant l’objet du SP. L’Afrique doit aussi songer à des villes intelligentes. Cela fait partie de la réforme de la fonction publique que plusieurs pays du continent envisagent aujourd’hui.
C’est le cas par exemple de la délivrance du casier judiciaire au Togo. Dans peu de temps, il y aura la possibilité pour les usagers de faire la demande en ligne et d’être servis en ligne.
En plus, l’instauration de « Dater center » modernise l’administration. C’est un lévier puissant contre la corruption , contre la lenteur et la lourdeur de l’administration publique. Par ailleurs, ce système aiderait également l’autorité centrale à repondre avec promptitude à certains urgences des citoyens.
Alhassane Camara, Juriste