Trois putschistes, trois États sahéliens et jusqu’ici trois pays membres de la CEDEAO. Le Mali, le Burkina Faso et le Niger, à travers un communiqué conjoint de ce dimanche, 28 janvier annoncent leur retrait de la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, fille de l’Union douanière(1959). «Prenant toutes leurs responsabilités devant l’histoire et répondant aux attentes, préoccupations et aspirations de leurs populations, décident en toute souveraineté du retrait sans délai du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest», dit le communiqué lu sur les médias d’État de ces pays.
Cette décision, selon l’analyse de plusieurs acteurs de l’espace ouest – africain, pourrait avoir des effets considérables, tant sur les trois que sur les autres membres de cette institution. C’est le cas du professeur d’économie, Ibrahima Sory Diakité. « La Cedeao est un modèle d’intégration économique, qui se traduit par l’unification des politiques et systèmes économiques nationaux de plusieurs pays. Donc elle est la somme de la combinaison des moyens économiques et politiques des Nations pour favoriser leur développement respectif. Ce qui revient à dire que le retrait d’un pays, à plus forte raison trois, pourrait fragiliser beaucoup d’aspects de cette fusion des politiques et systèmes économiques, entravant ainsi la libre circulation des personnes et leurs biens, les échanges et les activités sociales et économiques. Car, lorsqu’un pays quitte une intégration économique, il pourrait en conséquence, changer parallèlement ses paradigmes et mesures liés à l’utilisation de ses espaces géographiques pour des activités commerciales, c’est-à-dire il pourrait imposer des principes qui peuvent entraîner des restrictions et des barrières au libre échange, augmenter la taxe ou les pays concernés pourraient être isolés. Et aujourd’hui, l’isolement des Etats n’est pas un facteur de développement. Il faut plutôt favoriser l’ouverture économique, et donc l’intégration économique, qui facilite la croissance économique des États », soutient l’économiste avant d’ajouter : «elle pourrait aussi entraîner des risque de flambée de prix de certains biens et services, le risque d’insécurité et de pauvreté et augmentant aussi les difficultés d’accès aux infrastructures socioéconomiques de base non seulement pour les pays qui se retirent mais aussi pour la sous -région. »
Nécessité de négocier !
« Je pense que la CEDEAO doit davantage travailler sur son aspect diplomatique et politique. Certes, elle est une institution à caractère économique, mais aujourd’hui, disons que l’atteinte des objectifs de développement de ses pays membres est entravé par des facteurs d’instabilité politique et sociale dont les coups d’Etat, la difficile alternance au pouvoir et les mauvaises conditions de vie. Pour cela, elle doit penser à promouvoir des alternatives et des stratégies de lutte contre ces facteurs, en travaillant aussi dans le sens de garder et garantir la sécurité de ses membres. Parce que les mouvements de retrait et de retour pourraient aussi affecter et créer des dysfonctionnements au niveau de certaines stratégies de développement régional.» Pour M. Diakité, « même le protocole de retrait d’un pays membre de la CEDEAO n’aurait pas été respecté, parce que l’article 91 des textes qui régissent la Cedeao prévoit que tout État membre désireux de se retirer de la Communauté notifie par écrit, dans un délai d’un an, sa décision au secrétaire exécutif, qui en informe les États membres. Donc si cela n’a pas été fait, cela voudrait dire qu’il y a un sérieux problème entre l’institution et certains de ses membres. »
A rappeler que le trio qui a décidé de se retirer de la Cedeao, sont des pays à régime militaire avec des jantes qui ont pris le pouvoir par la force, en 2020 au Mali, en 2022 au Burkina Faso et en 2023 au Niger.
Gassime Fofana