Le 16 octobre, China Mall, un nouveau géant s’apprête à ouvrir officiellement ses portes en Guinée, suscitant une vague d’enthousiasme rarement observée autour d’un projet commercial. Files d’attente dès l’aube, vidéos virales sur les réseaux sociaux, promesses de « prix imbattables », tout semble indiquer qu’un nouveau chapitre s’ouvre dans les habitudes de consommation du pays.
Pour de nombreux ménages frappés de plein fouet par la flambée du coût de la vie notamment des biens primaires et secondaires, ce centre commercial d’inspiration chinoise apparaît comme une véritable bouffée d’air frais. Mais derrière l’euphorie populaire se cache un débat plus profond : assiste-t-on à une simple ouverture commerciale ou à l’émergence d’un dumping économique aux conséquences potentiellement lourdes pour les acteurs locaux ?
Quand le prix devient une arme
Le dumping économique consiste à vendre des produits à un prix inférieur à leur valeur réelle parfois même en dessous du coût de production dans le but de conquérir rapidement des parts de marché. Cette stratégie, utilisée par plusieurs puissances commerciales, séduit par son efficacité redoutable dont entre autre, attirer les consommateurs par des prix bas, bouleverser les habitudes, puis s’imposer comme acteur dominant. Certains économistes saluent cette approche comme la stratégie commerciale du siècle. D’autres y voient une arme à double tranchant. Pour eux, si elle favorise la consommation immédiate, elle peut à terme fragiliser l’économie nationale en déséquilibrant le tissu productif local.
Un souffle d’air pour le pouvoir d’achat
Pour les partisans de cette ouverture, China Mall représente une avancée sociale et économique majeure. Grâce à la concurrence qu’il impose, des milliers de familles peuvent désormais accéder à des biens jusque-là hors de portée. Le commerce local, stimulé par cette pression concurrentielle, est encouragé à innover, à ajuster ses marges et à moderniser ses pratiques. Certains acteurs du secteur voient même dans cette nouvelle dynamique une opportunité d’intégration notamment, s’approvisionner directement auprès de ces circuits commerciaux internationaux pourrait permettre aux détaillants locaux de réduire leurs coûts et de renforcer leur compétitivité.
Un risque d’étouffement local
Mais l’autre face du phénomène inquiète. Derrière chaque prix cassé, rappellent plusieurs économistes, se cache une logistique mondiale puissante, souvent soutenue par des subventions ou des coûts de production très bas, difficilement imitables par les entreprises locales. À long terme, préviennent ces spécialistes en Économie, cette forme de concurrence peut fragiliser la production nationale et créer une dépendance économique. Lorsque les commerces locaux ne parviennent plus à suivre le rythme, les fermetures s’enchaînent, entraînant la perte d’emplois, de savoir-faire et d’autonomie. Et une fois la concurrence locale affaiblie, les prix, eux, pourraient remonter lentement, mais sûrement. Entre ouverture et protection China Mall cristalliserait ainsi le dilemme des économies émergentes. faut-il protéger les acteurs locaux ou s’ouvrir sans réserve aux flux du commerce mondial ? Derrière cette question se joue une partie plus vaste, celle de la souveraineté économique, car le dumping n’est pas qu’une affaire de prix, il interroge les fondements même du modèle de développement que la Guinée souhaite adopter. Entre le soulagement immédiat du consommateur et la stabilité à long terme du producteur, la ligne de crête est étroite.
Le débat ne fait que commencer
L’ouverture de China Mall agit comme un miroir économique. Elle révèle les contradictions d’une société partagée entre le désir de consommer mieux et le besoin de produire local. Les consommateurs y voient un soulagement; les commerçants, une menace. Entre enthousiasme populaire et inquiétude économique, le pays se retrouve à la croisée des chemins. Le succès de China Mall ne se mesurera peut-être pas seulement à ses ventes, mais à sa capacité ou non à s’intégrer dans un équilibre durable entre ouverture commerciale et protection du tissu économique national. Car au fond, la question demeure entière : une économie ouverte, oui mais à quel prix ?
Gassime Fofana