Mauvaise gouvernance foncière, taxation et appropriation illégale ou vente « abusive » du foncier national aux étrangers. Voici quelques caractéristiques essentielles du foncier national de Guinée. C’est pourquoi d’ailleurs, le Ministère de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du Territoire en collaboration avec des partenaires a tenu récemment les États Généraux du Foncier. Objectifs, faire face aux défis du secteur pour améliorer la gouvernance foncière, promouvoir la sécurité foncière en faisant face aux pratiques illégales de taxation du foncier national. En attendant, Dr Alhassane Makanéra Kaké, consultant et juriste porte sa réflexion sur ce secteur dominé par l’anarchie et qui focalise désormais l’attention des autorités de la transition.
« D’abord il est à noter que le foncier est soumis à deux régimes juridiques : un régime de droit moderne, c’est-à-dire le droit écrit et un régime de droit traditionnel, qu’on appelle les propriétés coutumières. Deuxième niveau, il est une nécessité de faire une réforme foncière afin de désigner réellement le vrai propriétaire des terres dans le régime traditionnel. Parce qu’en Guinée on entend, d’ici et là, c’est pour mon grand-père ou mes arrières- grands-pères. Alors qu’ils n’ont ni un arbre fruitier dessus ni entretenu le nid, absolument rien. Donc de l’autre côté, le plus important, c’est que le propriétaire traditionnel reconnu est souvent dépossédé. Pour preuve, moi personnellement, j’ai payé une parcelle à Cobayah à 54millions de nos francs. Quatre ans après, on vient me dire que les Chinois doivent occuper le coin et je dois être dédommagé. On me propose 1million 400mille à titre de dédommagement, alors que moi j’ai déjà payé 54 millions. Et je vous dis beaucoup d’autres, par ignorance, ont pu être expropriés comme ça », explique Dr Kaké A. Makanéra.
De la législation sur le foncier national !
Pour Dr Kaké, le pays ne dispose pas d’outils juridiques pour faire la part des choses en termes du foncier. « En Guinée, il n’y a aucune législation qui affecte tel bien à telle collectivité, pour faire la différence entre ce qui appartient à l’État, aux collectivités et aux établissements publics. Il n’y en a pas. C’est pourquoi souvent il y a question de déguerpissement, d’occupation illégale de l’État, parce que souvent ce sont les collectivités qui vendent, alors que l’État se réclame propriétaire. Et pourtant l’État n’a jamais dit tel m’appartient, tel appartient à tel autre. Donc il y a ce travail à faire », propose-t-il.
Comment inverser la tendance ?
Parlant de ce qui est nécessaire pour une meilleure gouvernance du foncier national de Guinée, le juriste indique : « il faut des réformes, il faut sécuriser les propriétés, tenir un bon livre du foncier décentralisé aussi que possible. Il faudrait également que l’État fasse une situation claire entre les différents domaines publics, parce que n’oubliez pas qu’il y a le domaine public qui a appartient à l’État lui-même, qui appartient aux collectivités territoriales décentralisées et qui appartient aussi aux établissements publics … On a besoin d’experts et d’une équipe multidisciplinaire composée de juristes , de spécialistes en foncier, des imams pour qu’on puisse avoir une visibilité claire sur le foncier et que les autorités puissent avoir une base de prise de décision. La preuve, en 2006, j’ai effectué une étude sur les conflits fonciers. J’ai trouvé que 85 % des conflits traités par nos tribunaux sont relatifs aux contentieux fonciers. … Il faut egalement protéger le régime foncier agricole parce qu’avec le changement climatique, ce sont les terres agricoles qui vont prendre le coup… C’est pourquoi je dis que pour la gouvernance du foncier, on a des dispositions législatives, réglementaires à prendre, on a des dispositions institutionnelles ou des institutions à mettre en place, et qu’il y a encore un cadre financier à mettre en place pour une protection de notre foncier. A mon avis, l’un des problèmes épineux dans la gouvernance et qu’on doit régler, c’est bien la gouvernance foncière, avec surtout l’effet du changement climatique et les problèmes que cela pourrait entraîner dans 15 ans. »
Gassime Fofana