Si le CNRD est empêché de faire le ménage pour rendre le pays propre et débarrassé des pesanteurs avant le retour des civiles à la vie constitutionnelle, le futur de la Guinée est compromis.
Ce qu’il est en train de réaliser, aucun gouvernement d’un quelconque leader politique sur l’échiquier politique passé, actuel et futur, autant dire aucun autre Guinéen, ne pourrait le faire. L’intention et le courage d’engager les audits et les poursuites contre les malversations de tous genres, n’effleureraient l’esprit ni de Cellou Dalein Diallo ni de Sydia Touré ni de Lansana Kouyaté ni de Ousmane Kaba ni de Bah Oury ni de Kassory Fofana, de Amadou Damaro… pour ne citer que ceux-là, qui ont tous été impliqués dans des gestions vicieuses des biens publics. L’enrichissement illicite, la corruption et la concussion étaient des exercices nationaux depuis le général Lansana Conté en passant par le bouillant et bondissant Dadis Camara (réduit à sa plus simple expression à la barre du procès des évènements du 28 Septembre 2009) jusqu’à la gouvernance de Alpha Condé, aucun de tout ce beau monde n’allait avoir l’idée de faire ce que le CNRD est en train de faire sans risque être taxé de règlement de compte ou de chasse aux sorcières, et le cas échéant, ils eussent été perturbés par des critiques et clabaudages intempestifs pour ne pouvoir aller jusqu’au bout de leur noble entreprise. Dans le cas contraire, c’est-à-dire que s’ils voulaient, malgré tout, aller jusqu’au bout de leur entreprise, ils eussent engendré des troubles populaires pour injustice puisqu’il va manquer d’équité dans les poursuites et dans les audits. Ils ont tous quelqu’un concerné dans un micmac quelconque à protéger et à se protéger.
C’est dans ce climat malsain que le dialogue politique pour une entente collective sur la refondation de l’Etat est convoqué pour faire repartir la Guinée d’un bon pied.
Seulement, il se trouve que tous les leaders des grands partis politiques, les poids lourds devant faire partie de ce dialogue sont en conflit avec la loi. Ils ont plongé soit un petit doigt, soit jusqu’au coude, dans le pot de confiture, même La Palice en sait quelque chose. Malheur pour eux en plus, leurs anciens collabos collaborent actuellement avec les gars du CNDD qui les poursuivent. Leurs militants ou leurs inconditionnels subordonnent leurs participations au dialogue politique à la libération des détenus qui ont les mains sales et à la levée des poursuites contre ceux qui ont eu le temps de prendre le large. Les inconséquents demandent encore la libération provisoire pour permettre à un membre du FNDC d’assister à un enterrement pendant que les autres membres de cette organisation dissoute font des clabaudages au niveau international.
Ce qui est spécifique dans ce cas, c’est que les Guinéens minimisent la signification d’une transition militaire, dans laquelle la constitution est suspendue comme toutes les organisations socio-professionnelles et les activités et manifestations politiques de rue. Faire fi de cela est un risque gratuit, et la récidive aggrave la faute. Malgré tout, ils veulent mettre leurs sentiments personnels au-dessus de la loi. « L’émotion est nègre, la raison est Hélène ». Cela peut heurter, mais Senghor avait raison. Et quand Nicolas Sarkozy, l’ancien président de la république française, actuellement en conflit avec la justice de son pays, avait dit aussi : « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire ». Ces deux citations résument bien le retard de l’Afrique.
Quand on a vu les pèlerins guinéens à la Mecque se bousculer comme des chiffonniers monter dans un bus, cela est dû à l’incivisme qui a été engendré par le népotisme et par le favoritisme auxquels ils sont habitués depuis l’indépendance. Le changement de mentalité a la vie coriace comme les mauvaises herbes qui poussent sur la route des révolutions.
Ceci nous ramène à dire que rançon pour la participation au dialogue politique est grande, le prix est élevé. Il est hors de portée dans ce jaugeage d’orgueil au moment où les saisies des biens mal acquis tous azimuts battent leur plein. Cette rançon risque de faire échouer cette transition, qui a atteint le point de non-retour. Charbonnier n’a pas peur du noir.
Relations avec la presse
Enfin, on cherche à comprendre pourquoi le CNRD écoute et prend immédiatement en compte tous les commentaires presse. Si certains sont salutaires, d’autres peuvent le prendre au trébuchet (c’est-à-dire l’amener à faire des choses pour servir des causes obscures contre son propre gré, et il y en a à gogo, or il s’est fixé une feuille de route qui peut se passer de conseillers). On ne sait pas comment il apprécie la RTG, qui a changé son plateau en salon avec des fauteuils qui pourraient renfermer des punaises à la logue, à voir les invités de tous poils se prélasser et s’acagnarder dans des postures peu recommandables lors des émissions de grande audience.
Autres chose, la presse guinéenne vient de loin. Elle s’est admirablement qualifiée. Elle n’a rien à en vouloir à une quelconque de la sous-région. Si le CNRD veut récompenser un journaliste, d’un certain avis, les journalistes du public devraient être les premiers bénéficiaires, ils sont frustrés de voir le CNRD ne s’intéresser que trop à la presse privée, mais encore, n’y a-t-il pas une autre façon de récompenser un journaliste que de le faire pantoufler en sens inverse pour dégarnir et appauvrir son médias employeur ? Les Guinéens du peuple ont aussi besoin d’eux pour être au courant des choses que les médias d’Etat ne peuvent pas dire, à moins qu’ils soient désormais autorisés de critiquer les errements et malversations du gouvernement sans risque de représailles.
Certains pensent, à tort ou à raison que c’est une sorte de « bâillonnement subtile » : Tiens, mange et tais-toi ! Tous ceux qui ont eu un décret ne parleront plus contre le CNRD. Et si le CNRD se met hors des critiques, il va naviguer à vue.
Les journalistes du public ont toujours été les enfants des parents pauvres. Quand Dadis Camara avait voulu les rallier à la cause du CNDD, il a fait venir toute la presse nationale au camp Alfa Yaya. Les journalistes des médias publics étaient mis de côté, c’est à la presse privée qu’il a distribué des sous et des voitures…
Aux temps de Sékou Touré, on était allé au quartier Almamyah, en 1970, chez Kalifa Condé du Journal parlé de la Voix de la Révolution, qui vivote actuellement à la retraite, et Kabinet Kouyaté, journaliste sportif (décédé). Ces deux pauvres logeaient sous un hangar de garage réaménagé avec des pièces et des pneus assemblés au fond. Malgré ces conditions de vie, ils ont servi honorablement la Révolution jusqu’à la fin. Cela nous fait de la peine de parler d’eux. N’en n’est-il pas de même pour Mamadi Doumbouya, s’il les avait connus ? Ceux qui sont en service actuellement doivent être évalués à leur juste valeur, ce serait plus juste et équitable.
Le CNRD doit rester la tête froide, haute et ferme sur les pieds pour changer en bien la Guinée et ne pas voir partir ceux-là dans la misère.
Concernant la Communauté internationale, on est réconforté de le voir Emballo Cissoco à tu et à toi avec le ministre des AE de Guinée, Morissanda Kouyaté, à la CEDEAO. S’il a changé le fusil d’épaule, il est l’ami de tous les Guinéens épris de paix et de justice. On lui assure que cela compte pour plus longtemps.
Ne dévoyez pas le CNRD. La Guinée ne doit surtout pas mal négocier ce virage. A bon entendeur…