La prise du pouvoir par le Conseil national du Rassemblement pour le développement est intervenue au moment où, selon certains analystes, la situation économique, budgétaire et sociale de la Guinée était difficile. L’élan, qui devrait servir de gage de développement, était plutôt orienté vers l’enrichissement de certains commis au détriment du développement national. Pour inverser la tendance, Docteur Alhassane Makanera Kaké estime que les objectifs, les recettes, les dépenses, les besoins de l’Etat doivent être clairement définis ainsi que les priorités. « En Guinée, en réalité, on n’évalue pas le budget, on ne prépare pas le budget. Les gens ont des attributs forfaitaires, qui n’ont rien à voir avec un budget. Pour élaborer un budget, on doit procéder à l’identification correcte des dépenses, des recettes, des objectifs. C’est ce qui est réaliste. Mais le budget de la Guinée a souvent servi et enrichi quelques – uns. C’est pourquoi on peut retrouver 20 ou 30 milliards par exemple dans le compte de quelqu’un qui n’a pas travaillé 10 ans. Alors que 37 milliards équivaut à plus de mille ans de salaire payé à quelqu’un », relève le spécialiste des questions de finances.
Maximiser les recettes et minimiser les fraudes
La priorité affichée par les nouvelles autorités de Guinée est de moraliser la gestion des ressources financières en vue de maximiser les recettes. Un défi de taille dans un pays où la gabegie et autres pratiques maladroites étaient devenues légions. Dr Kaké propose de prendre les taureaux par les cornes en luttant tout d’abord contre la corruption. « Il faut mettre de la transparence dans la gestion du budget, identifier toutes les recettes budgétaires. Enfin, surtout, il faut voir la traçabilité des dépenses et il faut que l’Etat achète comme le particulier. En Guinée, l’Etat a un prix, le particulier a un prix. Dans ce cas, le marché est en défaveur de l’État. Par exemple, toi tu achètes un climatiseur neuf à 2.000.000 et l’Etat l’achète à 12 millions. Mais où on va? Il faut que l’Etat fasse aussi des achats aux prix réels du marché. Dans ce cas, il faut dissocier le caractère politique, relationnel et familial de la gestion budgétaire. C’est tout. »
Entretenir et valoriser les secteurs porteurs de croissance
Impulser le développement socio-économique de la Guinée passe aussi par la prise en compte des réalités des secteurs pourvoyeurs d’emplois et de devises. A ce niveau, le spécialiste des questions financières est sans équivoque. « D’abord, on a le secteur premier, les mines, le commerce et l’industrie. Mais si vous prenez les trois secteurs, il faut savoir qu’on a besoin d’une étude sérieuse pour les relancer. Mais avant tout, il faut revoir le cadre budgétaire lui- même. Le cadre budgétaire guinéen est caractérisé par 12 mille lignes budgétaires. C’est trop. Vous verrez que parmi les multiples lignes budgétaires, il y a trop de double emploi. C’est-à-dire une dépense payée deux à trois fois. Il faut éliminer tout ça d’abord. Parce que le problème chez nous, c’est que quand c’est l’Etat qui achète, c’est cher . Regardez par exemple combien l’Etat loue les immeubles , à côté vous regardez combien pour les particuliers. L’Etat loue dix fois plus cher que le particulier. Donc s’ils veulent un budget réaliste , ils n’ont qu’à revenir sur tous les contrats de location qu’ils ont établis avec les particuliers et ramener au prix du marché. Vous verrez qu’il y a beaucoup de milliards qui seront protégés. Également, il faut, dans les sociétés et les établissements publics, que le salaire soit limité. A la fonction publique, le salaire le plus élevé c’est autour de 7millions. Alors que vous avez des établissements publics où les travailleurs ont 38millions par exemple. Donc il faut revoir le salaire des sociétés publiques et les établissements publics. Il faut forcément une décision sur ça . Comment voulez-vous qu’un docteur d’État ayant travaillé 30 ans soit autour de 5 à 6 millions. Alors qu’un jeune qui est recruté aujourd’hui, il n’a pas la licence travaille dans un établissement public, il a 36 millions par mois. Alors que les deux travaillent pour l’Etat. Mais il y a problème. Donc il faut revoir les salaires comparativement au travail fait par les gens », conclut Dr Kaké.
Gassime Fofana