22 novembre 2021. Cela fait aujourd’hui 51 ans que la Guinée a été victime d’une attaque des impérialistes portugais. Une attaque qui, pour certains acteurs, a failli bouleverser l’avenir du pays. Malgré ses conséquences, cette victoire de la Guinée sur les assaillants reste un honneur historique. Mais pourquoi les Portugais en voulaient-ils à la Guinée ? Comment ont-ils réussi à débarquer dans le pays ? Y avait-il une complicité interne ? Ce sont entre autres questions qui se posent toujours après cette agression de 1970.
Tout s’est passé dans la nuit du 22 novembre 1970, lorsque les bateaux portugais débarquent sur les côtes guinéennes, par une marée calme et un temps d’attaque bien ficelé. Cette nuit est sombre pour les Guinéens. Certains se réveillent avec des tirs d’armes et d’autres voient leur soirée interrompue par des mouvements. Des centaines de mercenaires, de commandos et aussi de Guinéens prennent d’assaut Conakry. Le coup, pour certains acteurs. était très fort et les retombées aussi énormes.
Mais pourquoi cette attaque – surprise et nocturne contre la Guinée ?
En réponse, l’historien Ibrahima Sory Diaby explique : « bien avant de donner les raisons de cette agression portugaise contre la Guinée, il faut remonter un peu l’histoire. Le processus de décolonisation qui commença en Afrique bien avant et après la fin de la deuxième guerre mondiale a contraint les régimes impérialistes à revoir leurs stratégies et manœuvres de domination pour pérenniser davantage leurs installations en Afrique. Certains ont accepté de donner l’indépendance à leurs colonies, mais ils ont procédé à une proposition de pérennisation du partenariat comme ce fut la proposition d’une Constitution par la France à ses colonies. D’autres ne voulaient pas céder. C’était le cas de Lisbonne. Malgré les pressions de la communauté internationale, le Portugal reste droit dans ses bottes et mène sitôt des guerres pour anéantir les mouvements révolutionnistes et leurs soutiens. Et dans ce plan de Calvão, la Guinée était l’un des pays dans le viseur portugais. Donc la mise à exécution de ce plan d’agression dont le code était « Mar verde », c’est-à-dire Mer verte avait pour raisons principales : d’abord, affaiblir la flotte militaire du PAIGC, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert, un parti politique fondé en 1956 par des militants indépendantistes autour d’Amílcar Cabral, dans le but de réaliser l’indépendance du Cap-Vert et de la Guinée portugaise alors sous l’emprise portugaise. Ensuite déstabiliser la Guinée qui servait de base militaire et de formation des membres du PAIGC et renverser le Président Ahmed Sékou Touré, l’un des principaux alliés et soutiens des mouvements indépendantistes du PAIGC et libérer les prisonniers portugais. »
Une descente musclée
La planification de la déstabilisation de la Guinée ce jour par le Portugal était de taille, reconnaissent certains acteurs. « La Guinée a joué un grand rôle dans la décolonisation de beaucoup de pays d’Afrique, cela directement et indirectement. Donc pour cela , certains impérialistes en voulaient à elle. Raison pour laquelle le pays avait connu une opération d’une grande envergure et minutieusement préparée, composée à la fois d’étrangers et de nationaux dont 400 mercenaires et 200 commandos et fusiliers marins de l’armée coloniale portugaise et une centaine de Guinéens, hostiles au régime de Sékou Touré et qui sont membres du Front National de Libération Guinéen (FNLG). Mais le complot et l’attaque furent déjoués », explique M. Diaby.
L’impact de cette attaque !
Pour cet enseignant d’Histoire, l’agression portugaise avait créé pendant et après des effets dans le pays. « Les conséquences de l’agression étaient à la fois humaines, matérielles et morales. Le Président Sékou est resté introuvable. Néanmoins, les envahisseurs ont pris d’assaut le camp Boiro et libéré les détenus portugais. Il y a eu la destruction de certaines bases militaires également. Et enfin, elle a provoqué une vague d’arrestations des supposés complices de l’agression. »
Ce qui aurait permis à la Guinée de tenir le coup et repousser l’envahisseur !
« Je pense que c’est à la clairvoyance de son leader, le Président Ahmed Sékou Touré, qui, après l’indépendance de la Guinée, a initié le projet de formation militaire pour tous les citoyens notamment les étudiants. Donc cette attaque a trouvé que beaucoup de Guinéens étaient préparés au maniement des armes et avaient une formation en commune de base et en service de renseignements. À cela s’ajoutent l’engagement commun du peuple et le patriotisme. Sinon le pays allait sans doute tomber dans le chaos portugais, parce que c’était vraiment une attaque surprise. Mais le pays a tenu, et cela est l’un des faits historiques les plus honorifiques de l’histoire de la Guinée, affirme l’enseignant. C’est pourquoi, propose-t-il, les autorités et les acteurs doivent expliquer aux futures générations, dans les classes par exemple, le rôle que la Guinée a joué dans la libération de beaucoup de pays d’Afrique et son dynamisme contre l’agression portugaise de 70 et autres faits marquants. »
Entretien réalisé par Gassime Fofana