Guinée : Docteur A. Makanera Kaké prône les états généraux sur l’emploi

Ce samedi 01 mai 2021, l’humanité célèbre la journée internationale des travailleurs. En Guinée, les analystes profitent de cette occasion pour décrire l’état actuel de la structure du marché de travail et d’emplois. Comme Docteur Alhassane Makanera Kaké, ils dénoncent « l’absence d’une stratégie nationale pour l’emploi » et proposent des stratégies pour palier le déficit. « Le marché de travail et d’emplois en Guinée est difficilement perceptible parce que les questions qu’on se pose restent encore: comment trouver de l’emploi? Comment ce marché est-il organisé ? L’emploi en Guinée s’obtient surtout par relations et non par compétence ni par des évaluations objectives. Je prends par exemple ce diplômé, qui vient d’avoir son diplôme. Il ne sait même pas où aller? Comment faire? Ce qu’il cherche plutôt, ce sont des relations. C’est comme si,  je le dis souvent, en Guinée vis-à-vis du public et du privé, chacun est à la recherche de quelqu’un qui connaît quelqu’un qui connaît la personne qui décide. Donc, dit-il, ce n’est plus la loi, ce ne sont plus les critères objectifs, mais purement des affinités. Finalement, ce ne sont pas des meilleurs, les plus méritants qui sont recrutés. Pour preuve, on lance un concours de recrutement pour les enseignants. Après le concours, les candidats de l’ISSEG (Institut Supérieur des Sciences de l’Éducation de Guinée) et ceux de l’ENI (École Normale d’Instituteurs), ne sont pas admis. C’est-à-dire ceux qui sont formés pour former échouent systématiquement dans les concours de recrutement pour aller enseigner et ceux qui ne sont pas formés pour enseigner, ce sont eux qui sont admis. C’est comme si quelle que soit la consistance de votre dossier, s’il n’y a pas quelqu’un derrière, votre dossier ne compte pas. Il est ainsi difficile de dire qu’il y a une politique d’emplois en Guinée. Pour la simple raison que l’emploi créé par la Fonction publique l’est beaucoup plus pour des récompenses que pour les besoins réels du service public. C’est pourquoi vous avez assez de fonctionnaires qu’on appelle non postés, alors qu’on recrute pour pourvoir un poste. Donc les questions qu’on se pose c’est : pourquoi ils ont été recrutés ? Pour faire quoi ? Voilà pourquoi il est difficile de parler de politique d’emplois dans notre pays », soutient l’économiste, spécialiste des sujets de Finances publiques.

Comment l’État peut-il alors créer de l’emploi ?

Sur cette question, Dr Alhassane Makanéra Kaké affirme : « l’Etat peut créer des emplois de plusieurs manières : par lui – même en recrutant ou en encourageant le secteur privé à procéder à des recrutements. Cela se fait à travers des traitements fiscaux de faveur optimale… Je me rappelle bien au Maroc, il était prévu dans le code des investissements, dans les années 90, qu’une entreprise qui crée de l’emploi bénéficie d’une réduction d’impôt. C’est-à-dire, l’Etat dit : recrutez, l’impôt que vous me payez, donnez-le à l’employé que vous avez recruté. Ça incite le secteur privé à créer de l’emploi. On dira que l’Etat a perdu de l’argent. Non. Mais plutôt l’Etat a créé de l’emploi. Et il est imposé le paiement de l’impôt à l’interessé pour qui l’État a renoncé à la taxe. A long terme, l’Etat récupère son argent. Ensuite, l’Etat peut créer de l’emploi en faisant des grands investissements, les grands marchés publics qui peuvent lubrifier l’économie. Ce qui constitue un facteur duplicateur d’investissements. »

Compter sur soi !

En plus d’une politique cohérente d’emplois et du soutien de l’Etat aux structures privées, Docteur Alhassane Makanera Kaké insiste sur les efforts que chacun devrait fournir pour se créer à lui-même son propre emploi, assurer sa prise en charge et ne pas tout attendre des décideurs publics. Il faut, pour cela, créer un minimum de conditions pour promouvoir ces initiatives privées. « Quand je suis rentré du Maroc en 1998, je suis venu avec tout le savoir et le savoir-faire pour créer un cabinet de formation. Ce qui nous manquait, c’était matériel. Quand je me présente devant une banque, on me dit garantie. Où se prend la garantie ?Je suis resté pour pouvoir créer vraiment de l’emploi et ça m’a pris 15ans. Imagine, depuis 1998, si on m’avait mis les conditions matérielles à disposition pour avoir juste le loyer pour fonctionner, on aurait beaucoup progressé. On n’avait même pas besoin de beaucoup de choses, c’est à dire à l’époque, 10.000.000 de francs guinéens pouvaient me permettre de créer 50 emplois. Mais on était bloqué par un rien du tout, regrette Dr Kaké. Mais si vraiment il y avait une politique d’emplois axée sur la création d’emplois jeunes, je suis venu avec mon projet qui était bancable, l’Etat pouvait assurer la garantie auprès de la banque. »

Faut-il alors les états généraux sur l’emploi en Guinée ?
C’est en tout cas l’autre proposition faite et soutenue par l’enseignant- chercheur. Pour Docteur Kaké, ce sera l’occasion de poser les vraies bases d’une politique d’emplois dans le pays. « Il faut qu’on fasse les États généraux sur l’emploi en Guinée. Ces états généraux peuvent nous permettre de savoir quel emploi est créé et dans quel secteur. C’est très important. Cela peut permettre aussi d’orienter même les programmes de formation dans les écoles professionnelles et dans les universités. Aujourd’hui, les recteurs et les directeurs généraux créent des options en Guinée parce qu’on nous a dit que ça fonctionne à Dakar ou dans tel autre pays. Alors que là-bas, ils les ont créées parce qu’il y a des besoins sur le marché de l’emploi. Il faut donc que les décideurs puissent faire le lien entre le marché de l’emploi et la politique de formation », conclut-il.

Gassime Fofana

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