DEUIL : HOMMAGE A MORY KANTE (Par Thierno H. BAH)

La Guinéenne, Fulbhé, Yéké Yéké, Nin kadi, Nanfoulé, Mama, Makéné… Les tubes sont légion. Il serait illusoire de vouloir tous les citer. Une Kora aux sonorités saisissantes, une voix aiguë et captivante, les tenues blanches qui ne passaient jamais inaperçues… il faudrait un ouvrage de plusieurs tomes pour dire tous le biens que je pense de ce monument de la musique mondiale.
Etant un vrai mélomane, la musique de ce grand Monsieur a bercé ma jeunesse et ce, jusqu’à mon âge adulte et cela continue aujourd’hui encore. « Le vin se bonifie avec l’âge » disent les vignerons, mais M. KANTE a toujours été bon. De ses débuts jusqu’à son décès, chacun des albums qu’il a sortis se démarque par sa particularité, sa captivité.

PATRIOTE ET VISIONNAIRE

Si on parle de feu KING KESTER EMENEYA créateur du soukouss synthétiseur, ou alors de Fally Ipupa qui a popularisé le hip-hop soukouss, Mory KANTE tient son rang parmi les grands chanteurs musiciens africains pour avoir su mélanger les sonorités de sa kora mandingue sur des musiques funk et de Pop. Cette créativité et cette inventivité lui ont permis de truster le top 50 Français pendant plusieurs semaines avec le tube planétaire Yéké Yéké.
Malgré qu’il a passé une grande partie de sa vie en France, Mory KANTE n’a jamais coupé les ponts avec sa Guinée natale. Le natif d’Albadaria dans la préfecture de Kissidougou a toujours revendiqué sa guinéenneté et a fait connaitre la Guinée à travers le monde par sa musique si particulière. A titre d’exemple, avec l’Ensemble traditionnel de Guinée, composé de 130 musiciens, il s’est produit en 1991 pour l’inauguration de la Grande Arche de la Défense à Paris (une autre consécration).
D’un autre côté, son amour du pays l’a poussé à vouloir sérieusement revenir plus souvent sur sa terre natale dans les années 90. Le Monsieur TOP50 guinéen aurait voulu utiliser son nom et ses moyens financiers pour aider les Guinéens, en particulier les plus jeunes (cf Soul Bang’s). Il avait notamment pour projet de monter à Conakry un géant complexe culturel du nom de « Nongo Village», comprenant entre autres un studio, un centre de formation aux métiers du spectacle, un hôtel et un musée des griots. Dans une Guinée en crise à cette époque, le projet n’a jamais abouti comme il le voulait.
Le 22 mai 2020 au lendemain de son décès, le célèbre journaliste et musicien Claudy SIAR confiait sur sa page Facebook où il rendait hommage à notre héros que Mory KANTE lui disait souvent : «petit-frère, il faut qu’on se voie pour mon grand projet en Guinée ». C’est tout dire …

CONSECRATION

Mory KANTE a tutoyé les sommets. Il a placé la barre tellement haut qu’il faudra plusieurs décennies voire un siècle pour qu’un autre chanteur guinéen arrive à boxer dans sa catégorie.
L’album Akwaba Beach de 1987 est un succès fulgurant du funk mandingue grâce au tube Yéké Yéké qui se classe aux sommets des hit-parades du monde entier, à commencer par les Pays-Bas. En quelques années, le 45 tours atteint des scores de vente chiffrés en millions d’exemplaires, triomphe lors des tournées mondiales de l’artiste, et fait l’objet de nombreuses transformations, remixes, adaptations et reprises en hébreu, arabe, chinois, hindi, portugais, anglais, ou espagnol…
A ce jour, il partage avec le feu doyen Momo Wandel SOUMAH la place prestigieuse des chanteurs qui ont vu leurs chansons reprises et adaptées dans des films britanniques et américains.
Pour le doyen Wandel, il s’agit de la chanson TOKO qui est reprise dans le film de Kevin Macdonald : LE DERNIER ROI D’ECOSSE avec comme acteur principal, Forest Whitaker.
Quant au griot électrique il s’agit du tube YEKE YEKE repris par le groupe de musique électronique allemand Hardfloor et adapté au film LA PLAGE de Danny Boyle avec Léonardo Di Caprio comme acteur principal, Dans les années 2000.
Mory KANTE a fait des collaborations avec des artistes de renommée mondiale comme Salif KETITA, Shola AMA, Carlos SANTANA, Jessy MATADOR, MOKOBE …. Rien que ça.

RENDEZ-VOUS PRESQUE MANQUE AVEC LA GUINEE

La volonté de cet artiste de faire profiter de son expérience aux WGuinéens a été freinée par les Guinéens eux-mêmes. Tous les héros de ce pays n’ont pas été célébrés à leur juste valeur. Qu’ils soient sportifs, artistes, écrivains, politiciens … A croire que porter dignement et fièrement le drapeau guinéen de par le monde a pour corollaire le manque de reconnaissance, l’abandon des autorités, l’anonymat…
Mory KANTE n’a pas été célébré par les Guinéens à sa juste valeur, le pays ne lui a pas rendu le dixième de ce qu’il a fait pour lui. Certes, il a été décoré par le président CONDE, mais a mon avis c’est très en deçà de ce qu’il mérite. Il devrait y avoir des rues à son nom, des statues à son effigie, une école des arts à son nom, il devrait être nommé ambassadeur itinérant de la culture guinéenne, un deuil national de 3 jours devrait être décrété pour honorer sa mémoire. Bref, les titres posthumes je ne suis pas fan. Célébrons nos héros de leur vivant pour qu’ils puissent sentir notre amour et la reconnaissance de la patrie.
Les camerounais disent qu’un lion ne meurt jamais, il dort. A mon tour, je dis qu’un griot guinéen ne meurt jamais, il cesse juste de raconter des belles histoires de la vie.
Dors en paix grand griot !!! Repose-toi éternellement car tu as tout donnée pour ton pays. A JAMAIS DANS NOS CŒURS.

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