Après la décision de la CEDAO suite à la plainte portée contre l’Etat guinéen et les 14 autres pays de la même organisation, nous avons approché Marie Madeleine Dioubaté, Présidente du Congrès Populaire Africain. Elle livre sa vision des faits et porte son regard sur ce qui fait l’actualité en Guinée : le double scrutin législatif et référendaire et le Coronavirus.
Quelle est votre réaction après « l’échec » du FNDC qui vient d’être débouté par la Cour de justice de la CEDEAO ?
Je pense qu’il aurait été judicieux de demander des conseils aux chefs d’Etats de la CEDEAO plutôt que de porter plainte contre les États membres de la CEDEAO. La plainte aurait dû concerner uniquement la Guinée, en l’occurrence contre le Président Alpha Condé et son gouvernement pour manquements à leurs obligations de protection des droits de l’homme, de l’Etat de droit, de la démocratie, de l’ordre constitutionnel. Pourquoi contre la commission de la CEDEAO et des autres États membres ? Ceux-ci ne gouvernent pas la Guinée, et ne sont pas associés aux décisions prises par l’Exécutif guinéen, que ce soit de près ou de loin.
Est-ce que, selon vous, le FNDC ou les partis politiques pourront changer quelque chose dans la lutte que mène cette frange de la population depuis quelque temps ?
Il me semble difficile pour les partis politiques et le FNDC de changer les choses seuls. La Guinée s’est enlisée dans une crise institutionnelle qui n’a que trop duré, paralysant ainsi tout développement et toute activité économique dans notre pays.
Le changement ne peut venir que d’une révolution, d’un soulèvement massif de toute la Guinée.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la situation socio-politique surtout avec les jours difficiles qui s’annoncent ?
Je pense que mes compatriotes n’ont que trop tardé à réagir, et malheureusement la Guinée s’enfonce de jour en jour dans une crise de plus en plus profonde et je crains qu’elle replonge dans une dictature plus sanglante que sous la première République. Tous les indicateurs sont au rouge, et les dernières mesures prises par l’Exécutif, d’organiser les élections législatives couplées au référendum malgré la désapprobation d’une grande majorité de Guinéens et de la communauté internationale en font foi.
Alors la pandémie de Covid -19 est dans nos murs. Qu’attendez-vous des autorités guinéennes?
Je souhaite que les Guinéens prennent la mesure à propos de l’épidémie de coronavirus qui s’étend chaque jour de plus en plus en Afrique. Malgré cette menace bien réelle, le Président a décidé de maintenir les élections ce dimanche 22 mars. Combien de personnes vont mourir en Guinée si la population est massivement contaminée ? Sachant que nos hôpitaux ne sont pas en mesure de traiter des patients atteints de détresse respiratoire, par manque d’équipements de réanimation (respirateurs , oxygène…)
Il ne faudrait pas que dans 3 semaines ou dans un mois, notre pays devienne le nouvel épicentre du Covid-19, parce que notre gouvernement n’aura pas pris les bonnes décisions.
Cette pandémie (propagation mondiale d’une épidémie, en l’occurence l’épidémie de coronavirus est devenue une pandémie de 11 mars selon l’OMS) est différente de l’épidémie Ebola. Si les mesures d’hygiène sont sensiblement les mêmes, le problème est qu’un grand nombre de personnes n’ont pas les symptômes et peuvent contaminer un grand nombre de personnes et sa vitesse de propagation laisse craindre le pire si rien n’est fait rapidement pour éviter sa propagation. J’exhorte donc le gouvernement à surseoir à ces élections s’il lui reste un tant soit peu de bon sens.
Notre pays serait dans l’incapacité de faire face à des niveaux de contaminations similaires à ceux de la ville de Wuhan et de Hubei en Chine, Séoul, l’Italie , la France ou les États-Unis, qui disposent pourtant d’infrastructures hospitalières incomparables aux nôtres.
En cette période d’incertitude, au-delà de la politique, le Président doit penser pour une fois au bien-être de son peuple et prendre des mesures appropriées pour éviter tout rassemblement et commencer à adopter progressivement des mesures de confinement de la population pour la mettre à l’abri. Nous limiterons ainsi les pertes en vie humaines.
Interview réalisée par Aliou Diallo