Elle est l’une des rares femmes qui tiennent tête aux hommes dans l’arène politique de Guinée. Fatou Bangoura oeuvre à porter dignement la voix et la cause des femmes du pays. Elle compte mener le combat jusqu’au bout et ce n’est pas la « jalousie » des hommes qui pourrait l’en dissuader. Nous avons rencontré la présidente du Parti de l’Unité et de la Solidarité de Guinée – PUSG. Et elle nous a répondu. Sans fioritures !
Bonjour Madame Fatou Bangoura!!
Bonjour
Parlez-nous tout d’abord de votre parcours
J’ai commencé mes études primaires à Bissikirima, dans la préfecture de Dabola. Mon père est soussou, il est parti résider là-bas comme chef de canton. En 6e année, je suis venue à Conakry. Parce que mon grand-frère, le premier fils de mon papa, travaillait ici au port. De la 6e année jusqu’à l’université je suis à Conakry. Mon papa était tout le temps content de moi et de ma manière de faire les choses. Et mes classes, j’étais toujours dans les 5 premiers.
Comment vous êtes venue en politique ?
Par ma connaissance de la Guinée et mon engagement à servir le pays. J’ai été chef de quartier entre 2006 et 2007 dans la commune de Matoto, Sangoyah mosquée. J’ai fait 17 ans à ce poste. J’ai été directrice de la promotion féminine et de l’enfance de la commune de Matoto. Tous les maires qui se sont succédés, j’ai travaillé avec eux. J’ai opté pour être présidente de la République, mais aussi être dans les instances de décisions pour défendre la couche féminine.
Vous voulez être présidente de la République. Mais avant comment vous voyez la scène politique guinéenne ?
Sur la scène politique guinéenne, les femmes n’adhèrent pas tellement. Je crois que c’est la jalousie des hommes contre les femmes et je crois que les hommes ne sont pas tellement solidaires avec nous. Quand je prends par exemple sur ma propre personne, quand j’ai opté en 2007, pour être dans les instances de décisions, j’ai compris que les hommes ne sont pas tellement ouverts avec nous. On ne laisse pas la porte de sortie pour nous. Cette année, j’ai forcé mon mari, je l’ai dorloté jusqu’à ce qu’il a accepté que je sois dans la politique.
Quels sont vos secrets en tant que femme politique ?
Mes secrets ? C’est le courage indien que j’ai. J’ai refusé catégoriquement que les hommes nous montrent qu’ils sont plus que nous dans le développement du pays. Alors que c’est la femme qui met au monde le chef de quartier, l’imam, le ministre et même le Président de la République. Bien qu’on dit que c’est l’homme le chef de foyer, mais nous aussi on peut. C’est pourquoi j’ai opté pour la politique en vue d’avoir une grande ouverture. En 2010, je me suis présentée comme candidate.
Est-ce qu’il arrive des moments où vous avez des discussions houleuses avec les hommes ?
Ah oui ! Cela, on n’en parle même pas. Parce que les hommes ne donnent jamais le temps. On nous dit que nous sommes ségréguées, mais moi j’ai refusé cela. C’est pour leur montrer que nous sommes capables. Le groupe dans lequel moi je suis, je montre ma valeur et la valeur de la femme. Personnellement, j’ai formé des groupements, j’ai commencé par ça avant d’être dans la politique. Après les associations, c’est ce qui m’a donné le courage. J’avais des groupements de teinture, de saponification et même de coiffure. Je leur donnais tout le courage, même quand elles ont des problèmes avec leurs maris, j’intervenais auprès des hommes pour leur dire de laisser leurs femmes. Pour montrer que la femme n’est pas un outil pour être à la maison seulement. Les femmes, il faut les sensibiliser, leur faire comprendre leurs droits et devoirs. Ma petite population que j’ai, c’est la sensibilisation qui me l’a donnée. J’ai été limogée de la direction de la promotion féminine, parce que je me suis présentée comme candidate aux élections législatives au compte de Matoto. Je me suis présentée comme candidate uninominale où j’ai eu beaucoup de pourcentage et cela m’a coûté mon poste, que je ne devrais pas me présenter contre le pouvoir en place.
Comment vous avez vécu cette période ?
Ça m’a donné une leçon. Il faut se battre pour être quelqu’un. On ne doit pas penser aux hautes études. Les femmes rurales, c’est ce qui leur arrive. On est nées dans ce pays, il faut réagir. Il faut leur dire et montrer qu’ils sont des hommes, mais aussi on peut et on est filles et femmes de ce pays.
Quelle analyse faites-vous de la gouvernance actuelle ?
Ce qui se passe dans le pays, c’est regrettable. Nous femmes, nous voulons l’Entente. Je prends l’exemple sur Mafory Bangoura, M’balia Camara, qui se sont battues pour donner la vie à ce pays. Depuis leur décès, les femmes ont peur des crimes qu’on est entrain de leur faire subir, l’agression dont elles font l’objet. On est entrain de nous battre dans la rue, dans les maisons partout, notre sécurité est menacée, pas de sécurité pour les femmes. C’est pour cela qu’on a peur de nous exprimer dans ce pays. Si cela trouvait sa solution, ce pays allait se développer. A voir une femme parler de vive voix en politique, demander la démocratie et après on vient l’agresser, casser sa maison, c’est pour cela on a peur. Si vous voyez qu’il n’y a pas assez de femmes dans la politique, c’est la raison. Sur combien de ministres et vous trouverez combien de femmes dans le gouvernement. Sinon avant on avait montré au Président d’alors que les femmes et les jeunes sont les moteurs de développement d’un pays. Pas de jeunes de démocratie, pas de femmes, pas de développement.
Vous voulez dire que vous êtes prête à défendre ces femmes ?
Absolument. Moi, mon souhait aujourd’hui, c’est d’être présidente de la République pour défendre la cause de ces pauvres femmes qui sont victimes de ces malheurs sans jugement. Ce sont elles qui sont dans les rues, ces pauvres femmes qui sortent pour chercher de quoi nourrir la famille, les enfants. Elles sont tout le temps agressées par les bandits qui leur retirent tout ce qu’elles ont. Je suis contre ça.
Jusqu’où vous comptez mener ce combat ?
Ce combat je le mènerai jusqu’à Sékoutouréah. Même si je ne suis pas à Sékoutouréah je vais continuer ce combat, pour qu’au moins le pays sache que c’est la femme qui porte le nom de la Guinée. Donc je me battrai jusqu’à la fin de ma vie.
Quel est votre message de fin ?
Je demande à tout le monde de prendre le développement de ce pays en main. Il faut qu’on forme les femmes, qu’on les sensibilise. Pour le développement durable de ce pays, il faut le civisme, je dirai aux hommes de respecter le droit des femmes. Avant on ne battait pas les femmes jusqu’à les tuer dans les maisons. Les femmes n’ont qu’à faire la politique et cela va leur permettre de s’affirmer.
Merci madame!!!
C’est moi qui vous remercie…
Propos recueillis par Aliou Diallo