Criminalité faunique: une décision du tribunal de Labé au centre des débats !

Le 25 juin dernier, un trafiquant non des moindres a écopé d’un emprisonnement d’un an assorti de sursis avec une amende de 5.000.000 GNF par le tribunal de première instance(TPI) de Labé. Sur l’action civile, le tribunal a reçu la constitution de l’Etat guinéen en condamnant M. Abdoulaye Baldé, au paiement d’un montant de 2.000.000 GNF à titre de dommages et intérêts.

Une décision qui semble être incompréhensible par l’ensemble des défenseurs et des autorités de l’environnement.
Selon Charlotte Houpline, Directrice exécutive de l’ONG française qui appuie l’Etat guinéen depuis huit ans via le projet GALF dans l’application de la loi et la répression de cette criminalité, l’application stricte de la loi est la seule voie dissuasive : « Seule la prison ferme dissuade les trafiquants, les magistrats devraient faire preuve de plus de rigueur. Le commerce illégal de la faune est un crime organisé transnational qui implique des réseaux criminels et génèrent beaucoup de profits illicites, il ne s’agit pas de braconnage localisé mais d’un phénomène bien organisé d’ampleur international ».

Parlant des circonstances de l’arrestation, la directrice précise : « ce trafiquant a été arrêté avec des peaux dont une peau de panthère venant du nouveau Parc National du Moyen Bafing (PNMB), les panthères sont massivement tués dans le Parc pour alimenter un commerce illégal sous régional, il s’agit donc d’une espèce intégralement protégée par la loi. Si la justice ne dissuade pas ces trafiquants, la faune du Parc continuera à disparaître. On a l’impression de faire marche arrière car généralement les peines ne sont plus dissuasives dans le pays, même quand la répression de cette criminalité a démarré il y a presque 10 ans, les peines étaient plus fortes et il n’y avait que rarement du sursis ».

Interpellé à propos, Colonel Mamadou Boye Sow point focal national en charge de la lutte contre la criminalité faunique au Ministère de l’Environnement et des Eaux et Forêt explique : « je suis vraiment déçu par cette décision, nous avons révisé le code de la faune en alourdissant les peines d’emprisonnement pour dissuader cette criminalité, l’Assemblée nationale l’a ratifié et le Président l’a promulgué l’année dernière, les peines vont désormais jusqu’à 5 ans de prison, si les magistrats ne sont pas assez rigoureux dans l’application à quoi cela sert-il de renforcer les lois » ?

Pour eux, une telle décision contribue à encourager le trafic de faune dans le pays.
Lors d’un entretien téléphonique, le Colonel Layaly Camara, Directeur National des Eaux et Forêts a fait savoir à l’officier média de GALF (Guinée Application de la Loi Faunique) que : «  cette décision est vraiment très clémente en faveur du trafiquant, cela pourrait contribuer à la recrudescence du trafic en Guinée ».

De son côté, M. Diao Diallo, Chef Section des Eaux et Forêts de Labé renchérit: « c’est un peu difficile car quand il y a un coupable, un accusé, après avoir dressé le procès-verbal on l’envoie au niveau du tribunal qui a le mérite de vérifier sa culpabilité ou non avant de se prononcer. Le Juge est indépendant et autonome mais comme vous le savez si on continue à sanctionner de cette manière, certaines peines encouragent les intéressés au lieu de les pousser à délaisser cette activité illégale ».

Pour lui, le Point Focal national en charge de la lutte contre la criminalité faunique au Ministère de la Justice devrait s’entretenir avec les procureurs et juges des différents tribunaux du pays autour de toute cette problématique afin de renforcer l’application de la loi dans ce sens en encourageant surtout les peines d’emprisonnement ferme.

Joint au téléphone M. Mamadou Bella Diallo, Point Focal de la CITES (Convention internationale sur le commerce des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction), affirme : « de toute façon, je suggère à ce qu’on recommence les formations au niveau des magistrats, en impliquant les juges du siège massivement, car on forme plus souvent les procureurs. Puisqu’il y a un nouveau code, il faut qu’on trouve des moyens financiers afin de recommencer la formation des magistrats pour chaque région du pays. Cela pour relancer carrément l’affaire car certains c’est pendant l’audience même qu’ils prennent connaissance du code de faune ».

Il y a 15 jours une décision de justice dissuasive à été prise dans une affaire similaire par le TPI de Kissidougou à l’encontre de deux trafiquants majeurs, arrêtés en possession de nombreuses peaux d’espèces protégées et condamnés à 1 an de prison ferme, 10 millions d’amende et 50 millions à titre de dommages et intérêts pour l’Etat.

A préciser que M. Abdoulaye Baldé, né en 1981 à Kolet dans la préfecture de Tougué de la région administrative de Labé a été mis aux arrêts le 25 mai 2019 à Labé par une équipe mixte composée de la police, la gendarmerie territoriale, les Eaux et Forêt et le projet GALF. Il a été pris en flagrant délit de détention, circulation et commercialisation de peaux de panthère, ratels, pythons et des griffes et dents de lion. Des trophées provenant d’espèces animales intégralement et partiellement protégées par le code de faune et règlementation de la chasse mais aussi par la Convention de Washington autrement appelée CITES.

Il faut rappeler que le trafic d’espèces est un crime organisé transnational. Il représente le 5ème commerce illégal le plus important au monde amassant plus de 20 milliards de dollars chaque année.

Fatou Kourouma

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