Le vent de contestation continue de souffler autour de la mise en place d’un conseil national de la jeunesse de Guinée. Après la conférence de presse du Ministre de la jeunesse, les jeunes qui constituent cette plateforme veulent aller jusqu’au bout de leur initiative. Nous avons rencontré Barry Mamadou Adama, Président du Conseil mis en place à Mamou, il y a quelques jours. Interview exclusive.
Il y a une polémique qui entoure ces derniers temps la mise ne place du Conseil national de la Jeunesse de Guinée. Comment ce conseil a-t-il vu le jour ?
D’abord nous avons commencé par une étude-diagnostic sur la problématique Jeune en Guinée. Il s’est agi pour nous de chercher à savoir où se situait le vrai problème de cette jeunesse. Pourquoi c’est elle qui dit toujours merci et qui ne parvient pas à trouver le bout du tunnel ? Ensuite nous avons essayé de voir qu’est-ce que l’Etat et les partis politiques font qui empêche les jeunes d’être unis ? Nous nous sommes rendu compte, à l’issue de cette étude, que le problème se trouvait à plusieurs niveaux. D’abord, nous jeunes, nous avons des problèmes d’égo ; parfois nous ne nous disons pas qu’il faut s’unir pour travailler. On cherche plutôt à savoir qui est là ? Qui fait quoi ? Pourquoi c’est lui et pas moi ? Nous avons également constaté qu’au niveau des institutions internationales qui accompagnent notamment les activités de la Société civile, il y a beaucoup de conditions que nous ne pouvons pas remplir et qui nous empêchent donc d’accéder au financement de nos activités. C’est ce diagnostic qui nous a permis de faire un document que nous avons partagé aux organisations à la base dans les différentes communes et régions de Guinée. Nous avons recueilli les critiques et les suggestions ainsi que les pistes de solutions. Nous avons retravaillé le document en tenant compte de plusieurs thèmes dont l’immigration clandestine, le sport, l’environnement, la culture et la problématique Jeune qui est transversale parce que touchant la politique et les organisations de la société civile.
Qui ont participé à ce processus ?
Nous avons organisé des rencontres dans les cinq communes de la capitale. Il y avait même un représentant du Ministère de la jeunesse qui a répondu aux nombreuses questions des jeunes, qui a même été acculé à un moment et a demandé à se faire remplacer. Nous avons les preuves de toutes ces rencontres et même le lancement des assises. Mais le département est resté dans la politique de l’autriche : connaître et faire semblant de ne pas connaître. C’est après ces consultations que nous avons décidé d’organiser les assises de Mamou avec les représentants de toutes les régions naturelles et les quatre communes de la capitale. Seulement Dixinn n’a pas répondu par manque de communication. Les représentants de certains partis politiques avaient également participé à l’enrichissement des débats. Le premier jour, nous avons échangé sur les problèmes de jeunes et proposé des solutions. C’est au cours de la deuxième journée que nous avons planché sur les mécanismes de mise en place d’une plateforme représentative des jeunes de Guinée. On avait sorti un draft de la charte mais en plus, il fallait le nom. C’est ainsi que nous avons décidé de l’appeler Conseil national de la jeunesse de Guinée. Il y a eu élection avec sept candidats. A l’issue du vote, J’ai été élu avec 61 pour cent des voix et dans le bureau, nous avons tenu aussi à ce que les représentants des régions soit présents. C’est ce qui a été fait.
Est-ce à dire que vous avez respecté toute la procédure en la matière ?
Oui bien sûr. Nous ne sommes pas un groupement de jeunes novices en matière de mise en place d’une plate forme qui nous représente. Nous avons duré dans ce processus et avons des contacts et des échanges dans plusieurs pays. Le TDR des assises, par exemple, a été partagé dans au moins cinq pays : le Togo, le Mali, le Sénégal, le Burkina Faso et la Côte d’ivoire. Et partout il était écrit Mise en place d’une d’une plateforme représentative et inclusive des Jeunes de Guinée. Je suis donc désolé de voir un communiqué qui dit que nous sommes un organisme qui est allé s’agréer. Alors qu’on a informé tout le monde, on est passé dans les médias, on a fait des manifestes ainsi que des courriers que nous avons adressé à des organisations de la société civile, à des directions communales et préfectorales de jeunesse.
Est-ce que le Ministre de la jeunesse, lui, était au courant de toutes ces démarches ?
Il a reçu trois courriers. Mais il a négligé. Pour moi, il a pensé qu’il n’y avait pas de jeunes capables, dynamiques, conscients et capables de faire ce que nous avons réussi à faire. Il a donc été surpris de voir toutes les régions mobilisées à Mamou, d’entendre des noms de plusieurs organisations présentes à cette rencontre. Et c’est pourquoi son communiqué a inondé les réseaux sociaux et les sites sans jamais nous le faire parvenir, même un exemplaire. Donc nous n’avons pas eu d’interlocuteurs au niveau du ministère. Avant même de partir pour Mamou, j’ai appelé le ministre Moustapha Naîté en personne pour lui dire qu’on souhaitait le rencontrer. Mais il a dit qu’il n’avait pas le temps et qu’il fallait revenir plus tard. Nous avons convoqué alors une réunion à laquelle trente structures étaient présentes. Il fallait décider s’il nous partons ou pas. Au cours du vote, quinze étaient pour le report et quinze autres pour la tenue des assises. Mais il s’est trouvé que les représentants de Kankan, Kindia, N’zérekoré, Faranah avaient déjà bougé de leurs préfectures respectives pour Mamou. Un report pour nous allait signifier une trahison. C’est ainsi que nous avons décidé de partir. Arrivés, le Préfet a donné quarante places, les ressortissants de Mamou en ont donné trente pour les hébergements. Les gens étaient motivés et ils ont payé les transports de leurs propres poches pour venir à ces assises. C’est dans ces conditions que nous avons mis cette plateforme en place.
A travers une conférence de presse qu’il a animée tout récemment, le ministre estime qu’il n’y a pas pour le moment un conseil légitime des jeunes de Guinée. Qu’est-ce que vous lui répondez ?
Il n’a pas à légitimer un conseil. C’est de l’abus du pouvoir. La légitimité d’un conseil le de jeunes dépend de sa représentativité. Maintenant sa reconnaissance en est autre. Si nous jeunes, on se reconnait, s’il veut qu’il nous reconnaisse. Ce n’est pas une obligation. Sinon une chose reste claire, nous allons continuer nos activités.
Est-ce que vous avez cherché à le rencontrer depuis la publication de ce communiqué ou sa conférence de presse ?
On était partis le rencontrer mais c’est finalement son Directeur national qui nous a reçus. Nous lui avons dit que nous voulons le retrait du communiqué du ministre et la reconnaissance du Conseil National de la Jeunesse. Il a dit qu’il allait rendre compte. J’ai ensuite été interpellé par la Secrétaire général du département qui a dit que j’ai mis en place un CNJ. Je lui ai dit que ce n’est pas moi seul mais que ce conseil était l’œuvre de tous les jeunes conscients du pays.
Si le ministère persiste dans cette démarche, que comptez-vous faire?
C’est simple. Qui sont les jeunes ? Ce nous les jeunes, non ? On va donc voir avec lesquels il va travailler. C’est le terrain qui commande dans ce sens-là. On n’a même pas de soucis par rapport à ça. Au moment où je vous parle, Kankan, Faranah sont dans les préfectures, jusque dans les Communes rurales. Notre processus continue et ça ne s’arrête pas à un Conseil national de la jeunesse. C’est une philosophie, celle de l’autonomisation des jeunes parce que ce pays-là ne peut changer que par nous, les jeunes.
Propos recueillis par Gassime Fofana