Crise scolaire en Guinée: « on passe d’une affaire nationale à une affaire personnelle »

La crise scolaire entame son troisième mois en Guinée. Jusque-là, aucun consensus entre le gouvernement et le slecg. Pour Dr Alhassane Makanéra Kaké, économiste et analyste sociopolitique, tous les partenaires doivent désormais se mobiliser pour trouver une solution « urgente » à cette crise qui perdure.
Intimidations, menaces, emprisonnement ou gel de salaire sont devenus le quotidien sinon le cauchemar des enseignants guinéens dont la plupart observent une grève pour réclamer l’amélioration de leurs conditions de vie. « Il faut remonter à l’origine de la crise. Les enseignants ont demandé à ce qu’ils soient payés à 8 millions comme salaire de base. La question pourquoi ils ont réclamé ce montant ? Parce que le gouvernement a fait cela pour le ministère de la justice notamment pour des magistrats. C’est le précédent du problème. La seconde, est-ce qu’on doit donner ce montant aux enseignants ? Sur quel fondement ? Moi je dirai pourquoi on a donné aux gens de la justice 8 millions comme salaire de base ? il faut qu’on soit objectifs. Si on veut que nos enfants partent se promener à l’école et revenir sans rien apprendre, ce montant est trop. Mais si on veut une formation de qualité et rendre nos enfants compétitifs sur le plan régional et international, 8 millions c’est petit. Donc c’est en fonction de la valeur qu’on accorde à la formation et à l’éducation nationale», explique Dr Kaké.
Bientôt trois mois, pas de cours normaux. Peut-on rattraper ce temps ?
Tel n’est pas l’avis de l’économiste. Pour lui, c’est regrettable quoi qu’on fasse aujourd’hui deux mois de retard sur l’année d’étude. «Faire ce temps sans étudier convenablement, l’année-là est perdue. Il y a aucune possibilité de récupérer le temps vide. Dire qu’on va rattraper, c’est des déclarations démagogiques. Les calendriers scolaire et universitaire sont faits de telle sorte qu’on n’a pas droit à une heure de perdue. Manquer une heure, le programme a échoué», fait-il savoir avant d’ajouter qu’avec cette situation, est-ce que c’est une année blanche, ou on fait passer les élèves en classe supérieure ? «Le résultat c’est la même chose. Ce n’est pas pratique parce que évaluer les apprenants qui n’ont pas étudié ou qui ont fait 4 ou 5 mois sur 9, c’est valider quelque chose qui n’existe pas. C’est pourquoi entre les deux, je préfère une année blanche, car le second ne fait que 5 mois alors qu’en principe on doit faire 9 mois».
Étude partielle
L’autre constat est lié au déroulement du programme d’enseignement national qui est donné aujourd’hui avec partialité. Si dans la capitale, les élèves suivent – bon an mal an- certains cours, plusieurs préfectures et sous préfectures du pays ne suivent pas ce rythme. Dans son analyse de la situation, Dr Kaké estime que « c’’est un déboire qu’on entende et voie que les uns étudient et les autres non. On ne doit pas étudier partiellement, mais plutôt normalement et complètement. Ça fait mal même que l’enseignement traine 24h. C’est un échec et c’est fâcheux alors qu’on doit être à égalité devant les services publics. Ce qui est sûr, cela est une caractéristique de la valeur qu’on a pour l’éducation. Parce que si c’est un autre problème, comme politique par exemple, on aurait trouvé la solution. Mais comme c’est l’avenir du pays, des générations, on n’en fait pas une priorité».

Que faut-il faire pour que l’éducation soit parmi les priorités du gouvernement  et que la présente crise soit résolue ?
Pour Alhassane Makanera Kaké, « un peuple ne vaut que ce que valent ses institutions d’enseignement. Parce que c’est un secteur important. Quand on le rate, la conséquence c’est sur des générations. Il faut que les gens soient regardants dans le cadre de l’intérêt national pour résoudre ce problème qu’on aurait pu résoudre si on n’en avait pas fait une question personnelle. Et ça fait qu’on passe d’une affaire nationale à celle personnelle. C’est pourquoi les partenaires et les acteurs doivent trouver une solution urgente pour que nos enfants puissent reprendre le chemin de l’école».

Propos recueillis par Gassime Fofana

One thought on “Crise scolaire en Guinée: « on passe d’une affaire nationale à une affaire personnelle »

  1. C’est dommage que nos enfants ne vont plus à l’école; c’est inédit, depuis notre indépendance, c’est la première fois, que nous connaissons cette situation. Il fallu attendre que notre pays soit gouverné, par les intellectuels ( professeur et Docteur). Alors que ni le Président Sékou Touré, ni le Président, Lansana Conté, n’ont étudié jusqu’à l’Université. C’est encore, en cela, notre pays est un pays de tous les paradoxes. Ousmane DAMBEL

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