Hausse du prix à la pompe : «c’est du deux poids, deux mesures » (Grande interview)

Il est le Président du Parti pour la paix et le développement. Il a oeuvré un moment auprès du parti au pouvoir avant de rejoindre l’opposition.  El hadj Boubacar Diallo revient dans cette interview sur l’actualité socio-économique et politique sur fond d’augmentation du prix du carburant à la pompe et sur les ambitions de son parti. Exclusivité !

Bonjour Elhadj Boubacar Diallo !!!
Bonjour !
Depuis la tenue des élections locales du 04 février dernier, quelle analyse faites-vous de la situation socio-politique du pays?

Ce que je peux dire c’est que nous assistons à une situation de blocage. Vous savez que pour aller aux élections du 04 février, ça été une bataille dure. Depuis de longues années, l’opposition se bat pour que ces élections aient lieu. Quand elles ont eu lieu avec toutes les difficultés et au lendemain de la proclamation des résultats, nous avons été très déçus. Je dirai pas dans tout le pays, mais dans les circonscriptions où nous étions présents, on a constaté qu’il y a eu manipulation des résultats. Pas à la base mais au niveau des CACV. Nous avons fait des recours mais malheureusement, les CACV quï sont censées dire la vérité ont contribué à nier le droit. C’est dans ces commissions mêmes que les résultats ont été falsifiés. Cela a amené ce que nous vivons aujourd’hui. Et nous avons dit que cela est inacceptable. Ça c’est la survie de la démocratie. Quand vous partez voter, vous mettez toute votre énergie, votre ressource et que vous êtes convaincu d’avoir gagné, vous avez des preuves, vous avez des pv, vous avez les copies du résultat sorti des urnes, et qu’après la centralisation, on vous dit que ce n’est pas vous qui avez gagné dans ce bureau mais une autre personne qui n’avait pratiquement rien à voir dedans, ça tue la démocratie et c’est même criminel. Parce que si les gens sont frustrés, ça amène à faire des recours et si là où on fait le recours aussi ce sont eux-mêmes qui disent pas le droit, ça amène les gens à la revolte.

Est-ce qu’il faut désavouer ces CACV, ou faut-il accepter les résultats qui ont été proclamés?
La question n’est pas de savoir s’il faut désavouer ou accepter les résultats. Nous désavouons dans certaines circonscriptions là où on a des preuves. A ces lieux, nous avons dit voilà les résultats, et sortez ce que vous avez vous aussi, parce qu’il y avait 6 copies. Si toutes les 4 copies sont les mêmes et les deux autres ont disparu, où elles sont? C’est pourquoi d’ailleurs nous avons dit qu’on ne veut plus de cette CENI, il faut une nouvelle CENI.
Vous voulez nous dire qu’on a fait disparaitre des copies volontairement?
Mais oui. Il ya eu des copies qu’on a fait disparaitre et d’autres qu’on a falsifiées, ou on dit qu’on ne peut pas compter ces copies parce qu’il ya tel ou tel qui manque. Et pourtant, ça été scellé. Ils peuvent faire disparaitre pour dire qu’on n’a pas vu ou pour dire pour ce bureau de vote on annule parce que tout simplement ce bureau de vote n’est pas favorable au pouvoir pour lequel ils travaillent.
Vous étiez quand même allié de ce pouvoir à un moment donné. Pourquoi vous avez quitté?
Vous savez au lancement de ce parti, et l’accession d’Alpha Condé au pouvoir en 2010 avec tous les remous et avec tout ce qu’on ne croyait pas et même quand on disait qu’il était mal élu, Il a quand même jeté les bases du développement du pays. On a eu beaucoup d’autres investissements, il s’est battu. Malgré que le pays était isolé, nous nous sommes dit voilà un monsieur qui, malgré tout, s’est battu. Alors donnons-lui une seconde chance pour qu’il puisse terminer ce qu’il a commencé. Voilà comment nous nous sommes alliés au pouvoir en 2015. Après ça il disait qu’il allait mettre un gouvernement qui allait travailler pour le peuple. Mais qu’est ce qu’on a vu, c’est l’affairisme. Deuxièmement, au lieu de faire ce qu’il a promis de faire, ce n’est pas ça. On n’était plus écouté, en plus ils ont voulu qu’on fonde le parti dans le RPG, ce qu’on a pas voulu. Voilà d’où est parti notre divorce.
Vous voulez dire qu’on a voulu vous faire subir la même situation que Kassory et d’autres partis ?
Oui. Mais Kassory lui a bien négocié, pour être premier ministre. Mais nous on n’est même pas prêts à le faire. Peut-être c’était le cas de Dr ousmane Kaba qui a fondu son premier parti dans le RPG depuis 2010 et nous notre parti a été créé en 2015. Maintenant, dès après les résultats, nous avons vu la direction que prenait pays. La corruption, la gabegie financière et des tueries, le favoritisme. Il y a eu beaucoup de manifestations et puis lors des manifestations les gens sont tués, il n’ya pas d’enquête sérieuse. Nous sommes de la mouvance et ils vont dire, le pouvoir tue. 94 personnes sont mortes, on a dit non ça ne peut pas marcher comme ça. Moi personnellement je ne peux pas vivre dans des pays où la démocratie est très avancée et venir accepter cette situation et être complice de cela.
Est-ce que vous êtes satisfait de l’évolution de votre parti?
Bien sûr. Très satisfait, parce que vous savez un parti qui n’a même pas trois ans d’existence, – c’est le mois d’août prochain on aura trois -, on est bien implanté. Ce n’est pas dire comme les anciens partis comme l’UFDG ou le RPG non. Mais sommes connus sur le plan national. Ensuite nous avons assisté à notre première élection locale, on n’a pas les moyens mais on a présenté deux listes. Dieu merci, à Ratoma, par exemple, on a eu un élu là où certains partis depuis 1992 n’ont même pas eu un élu. Donc nous sommes satisfaits du combat de nos militants.
Une nouvelle loi vient d’être votée sur la CENI à l’Assemblée Nationale, qui exclut certains  »petits »partis. Comment vous avez accueilli cette nouvelle chez vous?
J’avoue au depart c’est avec beaucoup de réserve. On ne comprenait pas. Mais à l’issue d’une réunion, le chef de file de l’opposition a donné beaucoup d’explications, comment ça s’est passé. Vous savez les lois organiques passent qu’au 2/3 des deputés. Et deuxièmement, la situation politique de notre pays aujourd’hui est telle, qu’aucune loi ne peut passer si les deux grands partis ne s’entendent pas. Le RPG et l’UFR ça ne passe pas et l’UFDG et l’UFR ça ne passe pas. Il faut absolument les deux grands partis. Donc chacun a ses revendications et celles de ses alliés. En Guinée aujourd’hui il y a plus de 300 partis. Nous, au départ, on avait dit qu’on était exclus. Donc ils ont mis d’abord des garde-fous. Ils ont réduit de 25 à 17 membres à la CENI. L’opposition aura 7 et la mouvance aura aussi 7, la société civile deux et l’administration aura un. Donc il fallait mettre des critères. Si vous prenez l’opposition républicaine ya plus d’une vingtaine de partis politiques et la mouvance il ya aussi une vingtaine, même si le RPG, lui, absorbe. Alors dès que vous êtes allié il vous absorbe vous devenez RPG arc-en ciel. Et d’autres aussi qui sont là et qui se réclament de l’opposition mais qui ne sont pas de l’opposition républicaine. Tous ces partis ont existé longtemps avec l’histoire, avec un passé, ils vont dire nous, nous sommes des partis anciens. Donc chacun va réclamer quelque chose. Et nous on s’était dit que chacun de ces grands partis allait réserver quelque chose pour leur allié même si c’est un siège. Mais même ça on a allait avoir beaucoup de frustration. Alors nous, nous pensons que l’UFDG a été un bon représentant pour l’opposition républicaine.
Avec cette loi sur la CENI, pensez-vous maintenant qu’on peut assister à des élections transparentes ?
Vu la collaboration, au niveau de l’opposition républicaine et les partis alliés à la base dans la gestion des CACV, au niveau des démembrements, je puis vous dire que c’est un atout et qu’on va éviter beaucoup de problèmes dans le déroulement du vote, éviter beaucoup de frustration et on va mieux contrôler le vote. Ils sont entrain de se réunir dès lundi, pour voir comment il faut travailler sur cette nouvelle CENI qui va être mise en place mais aussi autour du fichier.
Est-ce qu’en 2020 votre parti va participer aux élections?
C’est cela notre ambtion. Tout parti qui se crée va à la conquête du pouvoir. N’oubliez que nous sommes dans un groupe. Notre ambition aujourd’hui, c’est l’implantation. Nous sommes un jeune parti, nous voulons être un peu partout en Guinée. Notre prochain objectif, c’est les législatives, comment être au parlement ? Après cela, on verra comment nous allons participer aux élections de 2020. Nous allons mesurer, voir est-ce que nous sommes suffisamment implantés pour être candidat comme l’ont fait d’autres. Donc il faut aller avec réalisme. En tout cas, en 2020, nous voulons l’alternance. Pas pour former un seul parti, mais c’est faire en sorte que celui qui sera là soit issu de l’opposition. Et pour le moment, la personne la mieux placée est El hadj Cellou Dalein Diallo.
Le gouvernement vient d’augmenter le prix du carburant. Quelle est votre réaction ?
On a accueilli cette nouvelle avec beaucoup d’amertume, beaucoup de déception. Le gouvernement sait qu’il ya beaucoup de problèmes, d’abord nous sortons du mois saint de Ramadan. C’est un mois où les gens dépensent beaucoup. Et deuxièmement la vie est très dure, l’économie ne fonctionne pas normalement. D’aucuns vont dire qu’on a une croissance de 6%, mais ça ne se ressent pas dans le panier de la ménagère. Donc nous estimons que c’est un coup très dur pour la population. Ça devait se faire, d’autant plus que le principe de la flexibilité n’a pas été appliqué par le gouvernement. Quand le baril était à 27 dollars on ne devait pas payer le carburant au-délà de 5000 francs guinéens. Le gouvernement a continué à prendre 8000 maintenant que le baril est au-dessus de 72 dollars, ils veulent augmenter le prix. C’est du deux poids deux mesures. Si au moins l’argent qu’ils prenaient tout ce temps, ils investissaient pour que la population ressente cela, mais ce n’est pas le cas.
Les forces sociales et les syndicats protestent par des grèves et journées ville morte contre cette hausse du prix du carburant. Est-ce que votre parti soutient cette démarche?
Oui nous les soutenons. Tant que ce sont des protestations légitimes, nous sommes partants. Ce sont des manifestations légales. Et ça on ne se pose même pas la question. Dans le discours du premier ministre, il a parlé de 600 milliards par an, ce qu’on détourne. Pourquoi il ne peut se battre pour récupérer ça. Si le gouvernement arrive à faire ça c’est une bonne chose. Sinon de reduire le train de vie de l’Etat. Est-ce que vous voyez le train de vie des ministres? C’est trop élevé. Il faut réduire pour que la population puisse vivre mieux. S’il fait ça, les citoyens peuvent dire en ce temps d’accord et si on augmente 500 ou 1000 francs guinéens, il n’aura pas de réaction.
Monsieur Diallo merci.
C’est moi qui vous remercie!!!!

Interview réalisée par Aliou Diallo

 

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