Plus le temps passe, plus le souvenir de feu Boubacar Kanté s’efface. Pour la simple raison que pratiquement rien n’évoque aujourd’hui son souvenir. Aucune place publique ne porte son nom, aucun établissement public, et faute de musée du sport, la génération actuelle n’a aucun repère pour lire dans le passé du sport national.
Nous vivons l’an 20 de la disparition tragique d’un as du micro doublé d’un promoteur de la musique guinéenne. Feu Boubacar Kanté aura été la fierté de la Guinée au plan sportif et musical. Pour s’en convaincre, nous reprenons ci-après les hommages de confrères Ivoiriens, qui ont collaboré avec le défunt durant son long exil en Côte d’Ivoire.
On relèvera entre autres ‘’… les auditeurs se trouvent privés de grandes voix qui les faisaient rêver. Kanté Boubacar alias « Bouba », Jean Louis Farrah Touré dit « Loulou », Jean Baptiste Kacou Bi, Emmanuel Koffi, Brou Konan Bertin « KKB », Mohamed Fofana Darra, Rash N’guessan Kouassi… . Des reporters sportifs qui ont fait leur temps. Et marqué, à jamais, les auditeurs sportifs sur Radio Côte d’Ivoire. Des journalistes qui avaient l’amour et surtout la passion du métier de journaliste sportif. Ils en avaient certes la qualité mais ils se donnaient les moyens de l’exercer. En fouinant, en se documentant, en se formant. Une génération qui a fait rêver les auditeurs, même dans les contrées les plus reculées du pays. Parmi eux, des génies du micro comme Kanté Boubacar (qui n’est plus) et Jean Louis Farrah Touré (aujourd’hui à l’Afp) crevaient, à eux seuls, l’écran. Mêmes présents sur les stades, des auditeurs, ne pouvaient se passer de leurs commentaires….’’ Un témoignage qui se passe de commentaires. La génération actuelle de journalistes sportifs devrait longuement méditer sur le parcours de nos devanciers. Et s’en inspirer.
En évoquant la carrière de Boubacar Kanté, on se focalise beaucoup plus sur son parcours de journaliste sportif, alors que dans les années soixante-dix, il a largement œuvré à l’essor de la musique guinéenne. A la tête de l’ex-société nationale de pressage, de production et de distribution discographique Syliphone, Kanté s’est investi pour la promotion de notre musique moderne.
Moussa Mara journaliste animateur de la radio nationale, qui nous a quittés le 25 juin 2008, avait réussi au cours d’une de ses émissions à recueillir le point de vue de Kanté alors en séjour à Dakar. Avec son franc parler et sa vaste culture, Kanté est resté égal à lui-même. En substance, voici l’essentiel de son intervention au sujet de la musique guinéenne ‘’…Tout est question de réussite, de manageriat, et puis aussi d’argent. Il faut que les gens sachent qu’il faille aller à l’étranger écouter les autres musiques et voir les grands concerts. On doit comprendre que les sons se font à Paris malheureusement aujourd’hui, aussi à Londres et aux Etats-Unis. Là-bas vous ne serez pas avec votre orchestre, seulement avec une ossature de gens qu’on appelle les requins de studio pour vos disques, et puis ensuite pour les shows, selon votre personnalité musicale plus votre stature de musicien, vous aurez des musiciens professionnels.
La Guinée va venir aussi en musique. Il faut beaucoup d’effort d’organisation, et qu’on n’attende pas tout de l’Etat. Il faut de l’imagination, parce que ce qui se fait actuellement en Côte d’Ivoire, au Sénégal est significatif. En 70-73, tous ces pays étaient derrière la Guinée. Ils ont évolué avec des initiatives personnelles. Par exemple, Aïcha Koné va enregistrer à Paris avec son argent personnel. On n’attend pas toujours l’apport du gouvernement pourentrer en studio ou acheter des instruments de musique. Il faut donc que les Guinéens commencent à s’obstiner, qu’ils s’organisent. Si le managariat est fait, il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas compétir avec les meilleurs.
En tout cas, pour le moment, le label Guinée c’est Mory Kanté qui fait partie des grands de la world musique. Pour le reste, il faut que les musiciens acceptent de voyager à l’étranger et qu’ils acceptent aussi d’aller à l’intérieur du pays enregistrer les sons du terroir. Il y a des rythmes extraordinaires, qui ne demandent qu’à être valorisés…’’ Un discours toujours d’actualité au regard de la situation de nos artistes musiciens.
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IN MEMORIAM : Les dernières paroles de Boubacar Kanté
24 octobre 1997-24 octobre 2017, il y a 20 ans, nous quittait à jamais, l’as du micro que fut Boubacar Kanté. A la faveur du vingtième anniversaire de cette tragique disparition, nous lui dédions une pieuse pensée, afin d’évoquer son intarissable souvenir. Fauché par la mort à la veille de son retour définitif au pays, pour prendre en charge le bureau de presse de la présidence. Boubacar Kanté est parti sans avoir pu accomplir tout ce qu’il entrevoyait.
A la veille de son retour à Conakry, le 22 octobre 1997, un confrère Ivoirien s’est entretenu avec Kanté, qui sans le savoir (hélas), allait confier ses dernières paroles à un journal. Nous publions ci-après des extraits de cette interview poignante.
‘’…Boubacar Kanté s’en va. Ce vendredi 24 octobre il va en Guinée. Définitivement ? Sans doute. Après avoir passé plus de deux décennies d’exil en Côte d’Ivoire. Il vient d’être nommé en Guinée, au poste de directeur de presse du bureau de la présidence de la République. Le mercredi 22 octobre dernier, il avait sans doute fait déjà sa valise, prêt pour le vol de ce soir. Prêt pour prendre du service en Guinée, sans perdre de temps. Dans son salon, nous avons trouvé Bouba au milieu de ses amis parmi lesquels Yves Zogo Junior Kaloua. Avec eux, il partageait le déjeûner…d’au revoir. Tout décontracté et enfilé dans un ensemble sport, il affichait un enthousiasme certain quand il nous recevait.
Nous avons appris à l’instant même que vous avez été nommé à un important poste de responsabilité en Guinée ? De quoi s’agit-il ?
Bon, j’ai été nommé par son excellence, le président Lansana Conté comme directeur de presse du bureau de la présidence de la république de Guinée. Je voudrais profiter de votre journal d’abord pour remercier le chef de l’Etat de Guinée, de cette responsabilité importante. C’est vrai que je suis dans les choses du sport. Mais je reste toujours dans le cadre du journalisme qui va être fortement teinté de politique.
De quoi vous occuperez-vous précisément en Guinée ?
De l’image de marque d’un pays, et surtout de gérer celle du chef de l’Etat. Vous voyez que c’est trop de responsabilité pour moi. Je la mesure à sa juste valeur et demande la prière des Ivoiriens dont le pays est ma patrie d’adoption, pour m’aider à réussir dans cette nouvelle fonction.
En fait la bonne nouvelle, comment l’avez-vous apprise ?
C’était hier (mardi 21 octobre 1997 : NDLR) à ma descente d’avion. Je revenais de Libreville au Gabon. Aux environs de 20h30 GMT. J’étais à la maison avec ma famille et des amis, lorsqu’un coup de téléphone émanant de l’une de mes sœurs pleurant de joie a retenti de Conakry pour m’annoncer la bonne nouvelle. C’était à la suite d’un décret présidentiel. Ensuite, j’ai eu le privilège d’avoir reçu au même moment un certain nombre de coups de téléphone, de fax, toute la nuit, des amis et de ceux que je considère ici comme mes enfants dont Yves Zogbo Junior. Ils ont été les premiers à me manifester leur sympathie. Et depuis ce matin (mercredi 22 octobre) ces appels n’ont pas arrêté pour moi. Ça m’a beaucoup touché.
Dites, Bouba, comment est-elle arrivée cette nomination ? Vous y attendiez-vous un peu ?
Non, je peux dire que, depuis son avènement, le président Conté m’a toujours pris en sympathie. J’ai eu la chance de bénéficier d’un passeport diplomatique qu’il m’a donné. Il ne m’a jamais demandé un service. Donc, je ne pense pas avoir dérangé le président de la république. Il m’a toujours reçu avec beaucoup de considération en Guinée. De même que ma famille a bénéficié du même égard de la part du chef de l’Etat. Sinon, je n’ai rien préparé. Je suis resté moi-même depuis mon recul par rapport aux choses du sport. Mon public, dans mon pays a gardé intacte son amitié pour moi. Chaque fois que je vais là-bas, je prends le micro à l’antenne, à la radio comme à la télévision. Je vous explique là que je suis intact en Guinée.
Vous partez, mais quel souvenir garderez-vous des Ivoiriens qui vous aimé ?
Je pars, mais je reste comme disait de Gaulle. Les Ivoiriens doivent savoir qu’en Guinée, ils auront un ami , un parent. Dans les plus petits villages de ce pays, j’aurai un clin d’œil vers eux. Je voudrais profiter ici de votre journal qui m’a beaucoup soutenu- je pense à mon ami Tonga Béni- pour dire merci, grand merci à tous mes amis, à tous ceux qui m’ont aidé. Certains ne voudront pas que je les nomme ici, par modestie. Mais je les remercie infiniment. Cependant, il y a des gens extrêmement importants que je vais citer. C’est une catégorie de famille pour moi. Je commence par M. et Mme Bion. Pendant deux ans et demi, ils ont beaucoup fait pour moi. Beaucoup d’Ivoiriens savent l’histoire. Mais quand ma vie était en danger, je ne serais pas arrivé en Côte d’Ivoire si je n’avais pas bénéficié du visa du président Houphouët Boigny. Mille fois merci à M’Bahia Bié Kouadio, à Me Roger Ouégnin. Je n’oublie pas Simplice Zinsou avec qui j’ai parfois eu des incompréhensions et un certain nombre de choses. Mais qui reste tout de même un grand ami, un bienfaiteur. Pour terminer, je remercie le général Tanny. Pendant les cinq dernières années, il m’a été très utile. Quand ça allait bien ou mal, Abdoulaye Diallo m’avait toujours ouvert sa porte. Je lui dis grand merci.
Merci à tous et à toutes. J’ai la reconnaissance du ventre. Je saurai m’en souvenir. La Côte d’Ivoire demeure et demeurera ma patrie d’adoption.
Propos recueillis par Valéry KELLY
bonjour a tous les auditeurs c est vraiment regretable de voir une telle reaction de la part des dirigeants AFRICAIN / QUI N ONT RIEN FAIT POUR POUR BK NI MONUMENT
Boubakar Kanté fut un grand commentateur du football . peux avoir une séquence de sa voix dans la narration d’un match de l’ASEC Mimosas ?