Réformes de la CAN : entre espoirs et inquiétudes (suite et fin)

Les 18 et 19 juillet 2017 a eu lieu un colloque organisé par la Confédération Africaine de Football à propos des réformes voulues par son nouveau président, le malgache AHMAD AHMAD. Fraîchement élu à la surprise générale aux dépens de l’inusable, l’inamovible l’impondérable lion, Issa HAYATOU.Le nouveau président avait fait campagne en proposant un colis de réforme de la CAN qui a contribué à faire pencher la balance en sa faveur lors du congrès électif de la CAF du jeudi 16 mars 2017 à Addis-Abeba qui l’a propulsé à la tête de la lucrative confédération. (Par Hamidou BAH, Gestionnaire des marchés publics, Consultant international, Spécialiste des questions géopolitiques internationales)

C-LE NOMBRE

La CAN est donc passée de 16 à 24. C’est le changement le plus notable de la réforme, avec la décision d’organiser la compétition dorénavant au mois de juin.

Tout d’abord, notons que l’UEFA a été la première confédération à revoir à la hausse le nombre de participants à la phase finale de l’EURO. Cette décision s’est matérialisée lors du dernier euro disputé en France. La FIFA a suivi avec la mise en place de la coupe du monde à 48 pays au lieu de 32 actuellement. La seule différence est que cette réforme entre en vigueur en 2026. Pour ce qui est du continent africain, plusieurs critiques ont fusé. Concernant notamment le timing : la logique voudrait que l’entrée en vigueur de la réforme soit étalée sur six ou huit ans. Le Cameroun qui doit organiser la prochaine CAN a crié au scandale du fait que le cahier des charges initial va être profondément modifié. Des rumeurs sorties par l’hebdomadaire panafricain Jeune Afrique affirment aussi que le président de la fédération guinéenne de football aurait sollicité « l’aide » de la Sierra Leone pour l’organisation de la CAN 2023 dont la Guinée est attributaire. Information déjà démentie par le président de ladite fédération Antonio SOUARE himself qui a réaffirmé la volonté et la capacité de la Guinée d’organiser la compétition en tenant compte des nouveaux ajustements.

Kanfory Lappé Bangoura, sélectionneur de la Guinée sur le site Foot224.net

« Le passage à 24 augmente encore la chance de se qualifier et ça améliore la performance des joueurs africains avec beaucoup de matchs. Je pense qu’avant pour aller en finale tu jouais cinq matchs. Aujourd’hui, il faut jouer à peu près une dizaine de matchs pour venir et cela donne une autre performance. Je crois que ça été une très bonne réflexion. Il faut savoir aussi imiter parce que l’Europe l’a déjà fait. Pourquoi pas nous ? »

Ce passage à vingt-quatre  équipes a plusieurs effets :

  • Sur le plan sportif : on est tenté de dire que c’est une bonne nouvelle pour les « petites » nations de foot. Elles auront la chance pour beaucoup d’entre elles de prendre part à une phase finale de la compétition. Cet aspect positif ne doit en aucun cas occulter le fait que cela va tirer le niveau vers le bas. Force est de constater malgré une nette amélioration du foot dans de nombreux pays du continent, il n’en demeure pas moins que pour certains le niveau laisse à désirer. L’ancien international camerounais Joseph Antoine BELL n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler que quoi qu’il arrive, les « gros » seront toujours au rendez-vous dans le dernier carré de la compétition.

Joseph-Antoine Bell, ancien gardien du Cameroun, à l’AFP

« On a regardé l’Euro à 24. On a retenu certainement qu’ils (les supporters) étaient bien habillés, dans des stades pleins, c’est vrai, sauf qu’on a beaucoup baillé pendant une grande partie de l’Euro. (…) Le Cameroun (pays-hôte de la CAN 2019, ndlr) a reçu un cahier des charges à 16 équipes. Les phases éliminatoires ont commencé. Le principe du sport, c’est de respecter les règles. Le délai est trop court (…) C’est un sacré changement, d’un coup. Ça risque de secouer. On ne nous a pas dit comment on fait. On a l’impression qu’il y a eu une loi et qu’on attend les décrets d’application. On passe à 24 mais on passe comment à 24 ?« 

Si la volonté de la nouvelle équipe est de rehausser le niveau du foot dans le continent, le scepticisme est de mise pour de nombreux observateurs, les prochaines phases finales vont sans aucun doute nous éclairer. Il faut noter d’ailleurs que les mauvaises langues commencent à raconter que le nouveau boss de la CAF a initié cette réforme pour permettre à son pays (Madagascar) de prendre part aux phases finales le plus souvent possible…

  • Sur le plan économique : les mordus du ballon rond et les couches sociales qui aspirent à une vie meilleure, peuvent se réjouir dans la mesure où un pays organise seul la CAN. Accueillir la compétition demande des moyens financiers colossaux car à la fin, l’objectif reste bien entendu de gagner la coupe et aussi de bénéficier des retombées financières qui vont avec, que ce soit pour le pays hôte ou la CAF. Mais avant de parler de retour sur investissement, parlons d’abord de l’investissement lui-même. Dans sa nouvelle formule, l’organisation de la CAN demande 6 à 8 stades, ajouter à cela les infrastructures hôtelières, les routes, les aéroports, les centres d’hébergements… on se rend compte que les candidats ne seront pas légion. Ce qui a fait réapparaitre l’idée des co organisations

Ne perdons pas de vue aussi le fait que dans les pays africains, les spectateurs ne sont pas toujours au rendez-vous exception faite pour les matchs du pays hôte. Cela qui constitue un manque à gagner et pour le pays en question, et pour la CAF.

La consolation, si le pays hôte ne remporte pas le trophée sera l’héritage des infrastructures issues de l’organisation de la compétition car les équipes qui disputent le championnat local, s’il y en a, auront des stades de haut standing.

En tout état de cause, rappelons que cette nouvelle formule est lancée alors que les éliminatoires de la CAN-2019 ont déjà commencé. Il faudra donc déterminer comment accorder les 8 billets supplémentaires du tournoi, quitte à diluer le niveau global de la compétition, après une édition 2017 relativement décevante.

Voilà en perspectives un chamboulement qui commence déjà a faire jaser mais qui, s’il est mené avec beaucoup de sérieux et de volonté, avec l’implication sans faille de toutes les fédérations et un concours des politiques, va permettre au football africain d’amorcer un tournant décisif vers les sommets.

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