Le stress : « quelques fois, je recommande aux gens d’arrêter si ça ne va pas »

Que ce soit le stress ponctuel ou celui chronique, chaque être humain est exposé à ce phénomène. Avec, certes, des réactions différentes. Cet état physique, psychique et psychologique agit sur le corps ainsi que sur l’esprit, créant des réactions diverses. Dans certains cas, le stress est perçu par les spécialistes comme un moyen qui stimule le progrès humain. Mais dans d’autres cas, il peut entraîner des problèmes de santé, comme la dépression, l’alcoolisme, le  « suicide » ou les maladies cardio-vasculaires. Dans cette interview, Dr Alhassane Chérif, psychologue-clinicien, professeur d’université, membre du conseil scientifique de Guinée, nous explique le stress, le type favorable au bien-être et celui nuisible à la santé physique et morale de l’Homme, ainsi que les principaux signaux et les moyens pour lutter contre le phénomène.

 

www.ledeclic.info : qu’est-ce qu’on peut appeler le stress ?

Alhassane Chérif : le stress, c’est un état d’inquiétude, de préoccupation ou de tension mentale, causé par une situation difficile. J’aime bien cette définition- là, parce le stress est naturel chez chacun de nous. A chaque fois qu’il y a une modification de notre façon de faire les choses, surtout lorsque ça peut induire à la fois un déséquilibre psychique, psychologique et physique. Voilà ce que je pourrais appeler stress, qui se rapproche de la définition de l’Organisation Mondiale de la Santé(OMS).

Qu’est-ce qu’on peut retenir des types de stress et quels sont les plus dangereux ?

La littérature psychologique en donne plusieurs, mais il nous faut retenir quelques-uns. Il y a le stress positif, qui est une source de motivation. Je vous donne un exemple. Un étudiant qui sait qu’il a un examen, doit avoir le stress, mais un stress qui va le pousser à apprendre ses leçons. Ça, c’est le stress positif. Il y a également le stress négatif. C’est vrai qu’il va avoir toujours le même stress mais, ce stress- là, va se chroniquer, c’est-à-dire va rester longtemps, ne s’en va pas. Par exemple, ce même étudiant, il va apprendre ses leçons avant de rentrer dans la salle d’examen, il va toujours trouver du stress. Mais une fois qu’il est dans la salle, en général, le stress doit disparaître. S’il ne disparaît pas, c’est là nous avons à faire au stress négatif, qu’on peut appeler aussi détresse, qui peut être nocif pour l’organisme ou le psychisme. Et puis évidemment, il y a ce qu’on pourrait appeler le stress familial, qu’on ne peut pas négliger. Il concerne la vie du couple, l’éducation des enfants et parfois les problèmes financiers récurrents. Ceux-ci peuvent créer un stress.

Qu’est-ce qu’on peut retenir des principaux signaux du stress ?

Les signaux du stress sont multiples. Par exemple, dans le cadre du travail. Lorsque vous remarquez à votre travail, un de vos collègues commence à avoir beaucoup d’absentéisme, il a quelques conflits avec les collègues, parfois sans raison, il a des retards fréquents, essayez de vous interroger sur le fait que peut-être il y a un stress qui est là et qui s’installe de façon nocive.

Quelles sont les pathologies associées au stress ?

Il y a deux catégories de stress. Il y a le stress qui ne dure pas longtemps. Il permet de mobiliser tout le potentiel que vous avez en vous pour pouvoir lutter contre le stress. Il faut que je vous dise aussi que le stress qui arrive, soit vous le combattez, soit vous le fuyez. Alors c’est quoi le combat ? C’est de mobiliser votre potentiel pour pouvoir le dominer. Mais si vous n’arrivez pas à le dominer, vous allez le fuir. Donc il y a le combat et la fuite. La fuite, c’est un renoncement. Vous vous retirez de votre travail, vous vous isolez chez vous, vous restez-là, vous pouvez même être victime de quelques épisodes dépressifs. Donc lorsqu’il y a un stress, il a un choc, qui a aussi deux temps. Le premier temps, c’est ce choc -là qui peut entraîner pas mal de pathologies. Vous pouvez avoir la tension qui baisse, vous pouvez avoir des faiblesses musculaires, vous pouvez avoir des petits bobos physiques qui arrivent. Ça c’est le premier temps. Le dernier temps concerne tout ce que vous pouvez mobiliser pour pouvoir lutter contre ce stress. C’est à dire, la réaction et le combat que vous livrez. Parce que le stress, si vous avez un potentiel, c’est-à-dire une force intérieure, vous pouvez arriver à le dominer. En ce moment, c’est vous qui devez dominer le stress et non le contraire. Toutes les pathologies sont là. Mais plus le stress dure, plus il devient nocif et on peut aboutir à un épuisement au travail, à une fatigue intense, qui peuvent entraîner des pathologies psychiques et physiques.

Dans les familles, dans les services et lieux de travail…, les gens sont exposés au stress. Comment ça se manifeste ?

On sent que l’individu n’est plus lui-même. Il a un comportement qui est différent. Et en ce moment-là, lorsque vous avez remarqué tous ces indices-là, tous ces indicateurs, vous pouvez un peu essayer de voir avec lui ce qui ne va pas aussi bien dans la famille qu’au travail. Si vous voyez un collègue qui était très actif, qui commence à baisser les bras et qui s’isole, je pense qu’il faudrait essayer de voir au niveau de votre travail ce qui ne va pas, ou au niveau de votre collègue ce qui ne va pas. Quant à la famille, tantôt, je vous disais que le stress familial concerne la vie du couple, l’éducation des enfants et puis les problèmes financiers. Ce qu’il faut au niveau familial, c’est d’engager la communication surtout si vous avez des enfants adolescents. Un adolescent a tout un bouleversement dans sa vie. Il a besoin de se confier. Il vaut mieux discuter avec lui avant qu’il ne se renferme et qu’il soit en conflit ouvert avec ses parents.

A quel niveau le stress peut être dangereux non seulement pour la personne qui est dans la situation mais aussi pour son environnement ?

C’est quand le stress dure longtemps. Tout à l’heure je vous ai décrit les différentes sortes de stress. Il y a un stress qui ne dure pas, le stress positif qui est là. Mais, c’est quand même normal que nous ayons tous un stress. Parce que cela fait partie de nos émotions. Mais ce qui n’est pas normal, c’est quand il persiste, il reste dans la durée. S’il reste dans la durée, il se transforme en burn-out. C’est un nouveau symptôme qui a été récemment découvert par les psychologues, qui montre vraiment l’épuisement intense dans le travail, au niveau du stress professionnel. Là, ça devient problématique, ça devient sérieux. Je vous ai dit toutes les pathologies associées et quand ça arrive à ce niveau-là, il faudrait s’inquiéter pour la personne.

Quelles sont les recommandations que vous pouvez donner afin de savoir se comporter lorsqu’on a le stress et pour minimiser ses conséquences ?

Pour minimiser ses conséquences, je pense qu’il faudrait prendre quelques précautions. Mais des précautions quotidiennes. C’est-à-dire, bien dormir, il ne faut pas aller faire la fête à chaque fois. Pouvoir répondre à des responsabilités importantes. Si vous n’avez pas assez dormi, vous pouvez être fatigué. Et je recommande souvent de faire le sport. Si vous avez le temps, essayez de faire quelques mouvements même le matin sportif avant d’aller au travail. Vous savez que le sport, ça fait une alliance entre le psychisme et le corps. C’est-à-dire, l’esprit et le corps. Donc, je recommande souvent à mes patients de faire du sport, même de la méditation. En tout cas si vous pouvez le faire. Surtout, essayez de dominer les situations. Dès qu’il vous arrive un stress assez fort, essayez de réagir. C’est ça le combat. De réagir rapidement. Se dire, il faut que je fasse attention, je pense que je suis en train de me faire attraper par un stress pathologique. Il faut éviter aussi que les gens s’isolent. Je recommande à tous, dans le travail par exemple, lorsque vous avez un problème récurrent, l’administration vous confie un travail, qui est d’une haute intensité, à un certain moment vous sentez que vous ne pouvez pas répondre à ce travail-là, il ne faut pas hésiter à en parler à votre collègue, échanger. Il ne faut pas s’isoler avec ce problème, mais plutôt partager. Parce qu’en fait, dans le travail, chacun a sa place pour l’amélioration des tâches dans l’entreprise. En échangeant, vous arrivez comme ça, à non seulement avoir des techniques nouvelles, une façon de réagir face à cela par ce qu’il y a des gens qui sont plus expérimentés que vous, mais aussi l’autre va vous dire moi j’aurais fait cela, moi j’aurais fait ça. Ça c’est important pour pouvoir dépasser cette façon de subir de plein fouet le stress comme une agression qui vous vient de l’extérieur. Personnellement, quelques fois aussi, je recommande aux gens d’arrêter si ça ne va pas. Parce que si ça ne va pas, ça peut faire aussi perdre quelque chose à l’entreprise ainsi que à vous aussi. Donc, il vaut mieux que vous preniez beaucoup de votre temps et que vous vous reposiez. Il m’arrive même de demander à des entreprises, dire que peut- être le travail-là est trop fort, est-ce que vous ne pouvez pas le faire changer de poste de façon provisoire. Dans le cadre familial, restez en contact avec votre famille et vos proches En conséquence, partagez vos préoccupations et vos sentiments avec des personnes en qui vous avez confiance. Parce que la relation, avec les autres, peut améliorer notre humeur et nous aider à nous sentir moins stressés.

 

Propos recueillis par Gassime Fofana

 

 

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