Coup d’Etat en Guinée : « il faut une prise de conscience au niveau des élites africaines »

Très tôt ce dimanche 05 septembre 2021, la ville de Kaloum est devenu le théâtre d’échange de coups de feu d’armes automatiques et lourdes entre les services de la garde présidentielle et les unités d’élite des forces spéciales. Conséquence, le renversement et l’arrestation du Président Alpha Condé. Cette journée ouvre une autre page sombre dans l’histoire de la Guinée. Mais qui est ce légionnaire ? Pourquoi a-t-il pris le pouvoir ? Quel peut être l’impact de ce coup de force sur l’avenir de la Guinée ?

Mamady Doumbouya, un soldat rompu à la tâche !

C’est au cours du défilé des 60 ans d’indépendance de la Guinée au stade 28 septembre de Conakry que ce légionnaire s’est révélé aux Guinéens, cela grâce à leur démonstration militaire différente de celle des autres unités militaires. Originaire de Kankan, Haute Guinée, Mamady Doumbouya est légionnaire de l’armée française, ayant effectué des opérations pendant la guerre d’Afghanistan, spécialiste en protection opérationnelle à l’Académie de Sécurité Internationale (Israël). Il a suivi le cours de formation des commandants d’unité à l’Ecole d’application de l’infanterie (E.A.I. – Sénégal), la formation d’officier d’Etat-major (EEML Libreville) et l’Ecole de guerre de Paris. Ce commando de guerre est rappelé en 2018 en Guinée pour commander le Groupement des forces spéciales (GPS ou GFS), une unité d’élite de l’armée spécialisée dans l’antiterrorisme. Par ailleurs, il faut rappeler que le légionnaire Doumbouya est promu lieutenant-colonel en 2019 et colonel en 2020.

Les raisons évoquées par la junte pour justifier son coup d’Etat

Riche, mais pauvre.Telle est la Guinée. Surtout ces dernières années, le pays est caractérisé par des crises sociopoltiques, la baisse du niveau de vie, la crise d’emploi des jeunes, la mal gouvernance administrative et financière et la montée des prix de denrées de première nécessité. Ces facteurs à, en croire, le nouvel homme fort de la Guinée sont à l’origine de la prise du pouvoir par l’armée Guinéenne. « La situation socio-politique et économique du pays, le dysfonctionnement des institutions républicaines, l’instrumentalisation de la justice, le piétinement des droits des citoyens », a déclaré le légionnaire avant de proclamer la mise en place d’un Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) et inviter les militaires à rester dans les casernes.

Coup d’Etat en Afrique et en Guinée en particulier !
Dans son analyse, Ansoumane Condé, analyste et sociologue, décrit le coup d’Etat : « Lorsqu’on passe en revue les raisons des coups ou tentatives des coups d’Etat en Afrique, il y a un enjeu différent dans chacun des pays africains. Mais les dénominateurs communs les plus visibles de tous les Etats, qui sont confrontés à la déstabilisation du pouvoir politique par l’armée sont la mal gouvernance, l’autocratie qui se traduit par la personnalisation du pouvoir politique de façon à faire passer leurs intérêts d’une oligarchie fermée avant le bien commun, l’impossibilité d’expression, la violation des engagements politiques et constitutionnels, l’injustice et l’inégalité. Ces facteurs sont souvent les nerfs de crises, qui peuvent conduire un groupe d’hommes armés à prendre le pouvoir », soutient le sociologue.

Effets d’un coup d’Etat !

Le renversement ou la tentative de renversement d’un pouvoir politique n’est pas sans conséquence, selon plusieurs analystes. Dans son intervention, M. Condé explique quelques facteurs qui découlent d’un putsch militaire : « lorsqu’il y a coup d’Etat dans un pays africain, cela peut aboutir à plus de retard du pays. Parce que les putschistes qui auront leur pouvoir, qu’ils s’éternisent ou pas, vont poser des conditions économiques, sociales et financières extrêmes voire sécuritaires avant de rendre le pouvoir ».

Coups d’Etat : une solution aux problèmes ?

Le coup d’Etat est une action qui consiste à renverser un pouvoir en place, le plus souvent effectué par les militaires. Selon Ansoumane Condé, cette action permet sans doute de rétablir l’ordre, « c’est-à-dire résoudre le problème qui est là. Mais elle ne résout pas à moyen ou à long termes les défis sociaux, économiques, politiques et culturels du pays. Donc je pense que les coups d’États de notre ère ne sont guères des alternatives ou des moyens favorables aux crises polymorphes des États d’Afrique. Certes, beaucoup saluent l’action, c’est-à-dire le coup au moment où il intervient mais plus tard, c’est la désolation et d’espoir », explique-t-il.

Que faut-il faire alors ?

« Les Etats de l’Afrique et la Guinée en particulier sont confrontés à un déficit démocratique depuis belle lurette, notamment en ce qui concerne l’alternance du pouvoir politique. Je pense que si l’armée , qui est apolitique devrait jouer un rôle dans la régulation du système démocratique et du pouvoir politique d’un pays, elle devrait intervenir avant tout projet de modification constitutionnelle, qui est source de projet de troisième mandat. Mais en dépit de cela, il faut une réforme de la morale et une prise de conscience au niveau des élites africaines et de la classe politique. Il faut aussi travailler davantage sur la séparation des pouvoirs, c’est-à-dire dissocier et rendre autonome les pouvoirs législatif et judiciaire du pouvoir exécutif, moyen qui permet au pouvoir d’arrêter le pouvoir en cas d’abus du pouvoir. Et qu’on sache que l’alternance du pouvoir politique est un instrument qui permet l’émergence du pays, à travers notamment ce changement d’élite et de leur programme au pouvoir », propose le sociologue.

Gassime Fofana

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