Gouvernance -Guinée : « il faut faire du président de la République un homme normal », soutient Dr Alhassane Makanera

Alors que les yeux restent rivés vers une éventuelle dissolution du gouvernement de Mamadi Youla, la plupart des observateurs le qualifient d’incompétent et d’autres déplorent le manque de  coordination gouvernementale.

« Très jeune, il connait le secteur privé, il peut faire bouger le pays ». Rarement des éloges avaient autant inspiré des commentaires comme dans la foulée de la nomination de Mamadi Youla au poste de premier ministre, chef du gouvernement guinéen.  Aujourd’hui, pour la plupart des citoyens, la montagne a accouché d’une souris. Pour eux, les premiers ministres en Guinée et surtout Mamadi Youla n’ont jamais été chefs du gouvernement. C’est le cas d’Alhassane Makanéra Kaké, Docteur d’Etat en Finances Publiques et Professeur de Droit. «  Il est très difficile d’analyser l’action des gouvernements en Guinée et même celui de Mamadi Youla parce que nous avons un problème d’ancrage institutionnel,  parce que le premier ministre n’est pas réellement chef du gouvernement. Parce qu’il ne peut pas sanctionner un ministre, il ne nomme pas, il ne révoque pas », analyse-t-il.  Pour lui, Mamadi Youla est tout de même ce chef de gouvernement dont la nomination a suscité l’espoir. Mais en vain. « Malgré cela, il est chef de gouvernement qui a peu parlé, qui a peu agi par rapport à son prédécesseur. Là on le sait, il était très évasif alors qu’il avait créé même personnellement de ma part de l’enthousiasme. On s’est dit qu’il vient du secteur privé, donc on allait voir l’empreinte de cela dans l’administration, mais l’espoir n’a pas été au rendez-vous. »

Un gouvernement incohérent

En plus de sa faible capacité de gouvernance, le gouvernement de Mamadi Youla est regardé par beaucoup d’observateurs comme un gouvernement qui manque de coordination dans ses actions. « Le constat amer qu’il faut faire est qu’il n’y a pas de coordination de l’action gouvernementale car autant de ministres qui interviennent sur la même question, il y a autant de positions différentes. Le cas le plus proche, c’est les 20 milliards chinois. Beaucoup ont parlé, le PM, le porte-parole du gouvernement et le ministre Kassory Fofana, mais les trois hommes ont fait des interventions contradictoires. Donc cela ne rassure pas », déplore Dr Kaké qui s’attaque également à la réforme fiscale voulue par le gouvernement. « Au lieu de taxer les riches, ils taxent les pauvres. Le cas maintenant de l’impôt sur le salaire. Au lieu de 4 tranches, il est ramené à 5 tranches et qui taxe hautement des revenus les plus bas. Or il y a des milliards et des milliards qui dorment dans la main de quelques fonctionnaires qui sont à la tête des établissements commerciaux par exemple. Mais à ce niveau, on ne fait rien. C’est un gouvernement qui préfère donc taxer les citoyens qui gagnent moins en laissant totalement de l’autre côté d’autres citoyens qui organisent des grandes fêtes ».

Alors faut-il dissoudre le gouvernement de Mamadi Youla ? Alhassane Makanéra Kaké estime que ce ne sera que du bonnet blanc, blanc bonnet. « En réalité, en Guinée, on n’a plus confiance à quelqu’un parce qu’il est ministre. Changer ou pas, pour nous, ça ne change rien. Si on change, c’est pour augmenter le nombre de privilégiés ou pour ne pas que les mêmes continuent de jouir de ces privilèges. Mais si c’est pour changer la vie des citoyens, l’espoir n’est pas au rendez-vous», déplore l’économiste.

Quelle solution pour sortir de l’ornière ?

« Pour résoudre ce problème,  il faut faire du président de la République un homme normal; faire de tous les chefs des hommes normaux. Dès qu’on dit en Guinée c’est le président, alors on estime que tout est permis; dès qu’on dit c’est l’ami du président tout est permis. Le paysan considère le président comme un homme extraordinaire; tout ce qu’on dit sur lui, on accepte et dans la majorité des cas, ce sont les plus malins qui en profitent alors que parfois même le président ne sait pas ce qui se passe. Donc le problème de la Guinée est de rendre les chefs les personnes normales et qu’on dise qu’ils sont encadrés par le droit et qu’ils ne peuvent pas faire quelque chose en dehors de leurs compétences », recommande-t-il

Gassime Fofana

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